20 juin 2011
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L'observatoireArticles

Entre street-art et profanation : quand l’homme d’acier travestit les soldats de bronze

Le 20 juin 2011 - Par qui vous parle de , dans ,

Le street-art a-t-il une éthique ? Les street-artistes doivent-ils s’imposer des limites quant aux lieux qu’ils détournent ? La question est d’actualité : la semaine dernière, les soldats de bronze du Monument à l’Armée Soviétique de Sofia (Bulgarie) se sont réveillés barbouillés… Un facétieux – et talentueux – street-artiste a ainsi profité de la nuit pour les repeindre en Superman, Captain America, Joker ou encore Ronald MacDonald et Santa Claus [plus de photos ici]… Pas très subtil sur le plan artistique, mais qu’importe.

Pour information, selon mon papa chéri (originaire du pays, si vous ne le saviez pas) : « l’inscription en bulgare se prononce ‘v krak s vréméto’ et veut dire quelque chose comme ‘être au goût du jour’, ou ‘dans l’air du temps’ (ou plus court : ‘allumé’ ou ‘branché’)« . [De son côté, le DailyMail traduit ça par « Moving with the times », le terme « krak » signifiant « pied ».] Autre détail culturel, le Monument est installé à l’entrée d’un vaste parc, en plein centre-ville de Sofia, à proximité de l’Université. Et son fronton est le terrain de jeu favori des jeunes skateurs occidentalisés… de quoi limiter la portée post-ironique du graffiti, près de 20 ans après la chute du régime soviétique de Todor Jivkov. Enfin, ce n’est que mon avis…

Passée cette parenthèse touristique, revenons à la problématique du jour : le street-art doit-il avoir des limites quant aux objets qu’il détourne ? Je m’interroge, au vu des premiers commentaires glanés sur facebook ou dans les médias occidentaux, qui semblent trouver l’oeuvre génialement sympathique. Certes, la création est relativement fun, reprenant les grands symboles colorés de la culture américaine marchande.

On peut aussi apprécier le regard de l’artiste, malgré le peu de subtilité dans le choix des personnages. Au choix, l’oeuvre offre deux niveaux de lecture : le premier, un peu bisounours, évoquera simplement la fin de la Guerre Froide et la substitution des références culturelles ; la seconde, plus cynique, soulignera que la libération par le capitalisme et l’ouverture des marchés provoque aujourd’hui les mêmes effets que la libération par l’Armée Soviétique en 1944 : une forme de pop-colonialisme qui ne dit pas son nom.

Mais toutes ces réflexions n’excusent pas le fond du problème : le graffiti est une PUTAIN DE PROFANATION d’un monument rendant hommage aux millions de soldats soviétiques morts, rappelons-le, pour avoir contribué à renverser le régime nazi. Ah, si les russkov n’étaient pas là

Je ne suis pas un fervent adepte de la sacralisation militaire, et je suis prompt à condamner le bullshit des censeurs qui voudraient que l’art n’approche rien qui puisse gêner Madame Michu, mais quand même. Ce n’est pas tant le graffiti qui me dérange, mais plutôt la manière dont « l’affaire » est relatée en Occident [à l’exception de La Voix de la Russie, qui rappelle au passage que le monument venait d’être nettoyé des nombreux graffitis nazis qui le parsèment régulièrement. Mais ça ne compte pas vraiment comme média occidental ^^].

Si la tombe du Soldat Inconnu, ou pire, si le Mémorial Américain de Colleville-sur-Mer avait été tagué de la sorte, comment auraient réagi les médias occidentaux ? On aurait parlé de salir l’Histoire, d’insulte aux morts tombés pour la France, etc., les grands mots habituels. Pourquoi n’est-ce pas le cas ici ? Pourquoi n’y a-t-il qu’un seul commentateur, sur l’article du DailyMail, pour rappeler que ces soldats sont eux aussi tombés pour la même cause ? Vous allez m’accuser de posture post-soviétique, et je plaiderai coupable ;-), mais cette histoire m’emmerde pas mal et m’amène à m’interroger sur l’éthique du street-art.

Les graffeurs doivent-ils avoir une déontologie qui leur impose de ne pas taguer les tombes ou les monuments aux morts ? Ou bien doit-on considérer que tout, dans l’espace public, mérite d’être détourné de la sorte ? La question est finalement celle de l’art en général, et on aurait même pu la voir donnée au Bac de Philo… à ceci près que l’on parle ici d’art dans l’espace public, justement, et non pas cantonné à l’espace cloisonné des galeries et musées. Qu’en pensez-vous ?

31 commentaires

  • Une analyse très pertinente, comme toujours. :) Comme toi je suis un peu mal à l’aise par rapport ça. Je me dis que d’une certaine façon on ne nous demande pas notre avis pour ériger un monument, et on peut ne pas partager ce qu’il glorifie. A partir de là, a-t-on le droit de nous aussi prendre d’assaut l’espace public pour changer les valeurs qu’il promeut ? Ou faut-il subir les valeurs officielles, même historiquement désuètes ?
    Je pense à un exemple un peu similaire rencontré ici à Marseille : les panneaux de la rue Colbert ont été recouverts par la mention « esclavagiste » (ce qui n’a évidemment rien de commun avec la dégradation d’un monument, on est d’accord).
    Dans tous les cas, le message ne plaira jamais à tout le monde, dans sa forme ou dans son fond. Faut-il alors abolir tout simplement les monuments à message ? Il faut bien avouer que ce n’est de toute façon plus trop tendance. Je me demande quel événement futur aura suffisamment d’ampleur et d’approbation générale pour justifier que l’on en fasse une statue.
    Et je pense aussi à l’excellent roman « les Chronolithes » qui raconte que des monuments célébrant la victoire d’un dictateur du futur font soudain leur apparition à notre époque, comme pour nous narguer et annoncer une défaite inéluctable. Des monuments énormes, qui détruisaient des portions de villes, à la gloire d’un tyran, indestructibles.
    Les idées et les tyrans ne sont pas indestructibles, les monuments devraient-ils l’être ?

    • Et un commentaire encore plus pertinent, comme toujours ;-)

      Ton commentaire m’amène à penser deux choses.
      La première, idiote, as usual : on pourrait imaginer une législation OBLIGEANT le détournement de tout monument, disons 30 ou 40 ans après son érection. Comme ça, par de jaloux !
      La seconde, plus sérieuse : les technologies de marquage de l’espace urbain (réalité augmentée mais pas uniquement) pourraient avoir leur rôle à jouer, dans la perspective d’une ville hybride réellement densifiée et lisible. Enfin, c’est à réfléchir, cf. La conquête des espaces à éditer sur Ecrans.fr [et mon complément perso sur Urban After All : à qui appartient le réel augmenté ? ]

    • Et merci pour la référence, je ne connaissais pas les Chronolithes. Ca m’a l’air pleinement dans mes préoccupations, dis donc… Tu viens de faire un heureux, et même deux si on compte M. Amazon ! ;-) (ou bien est-ce Mme Amazon ?)

    • Article et commentaire intéressants en ceci qu’ils questionnent des sujets qui pourraient être traités très (trop) superficiellement.

      Néanmoins à la question de Sachka « quel événement futur aura suffisamment d’ampleur et d’approbation générale pour justifier que l’on en fasse une statue ? » je répondrais « aucun » puisque les statues sont pour la grande majorité toujours érigées à posteriori. Il faudrait donc plutôt se demander « quel événement dans notre passé a eu suffisamment d’ampleur et fait l’unanimité aujourd’hui pour justifier que l’on en fasse une statue ? ».
      En pratique, ce sont les élus qui décident de cela, et rarement sans arrière pensées politiques.

  • Je suis tout à fait d’accord avec le ton de l’article et il parait évident que cela n’aurait jamais passé sur d’autres monuments. Cependant, cette oeuvre nous ramène au fondement des tags et à la réapropriation de l’espace urbain. Cela nous interroge sur la portée de tels monuments à l’heure actuelle et de la vision qu’en on des jeunes d’aujourd’hui. L’espace public est donc par essence « public », je trouve qu’il est nécessaire de s’intéresser à la manière dont les nouvelles générations le perçoivent. De plus, c’est assez ironique de remplacer ces soldats par les héros que l’on nous impose depuis l’enfance et qui prônent des valeurs bien différentes de celle des soldats.Cela est malgré tout assez représentatifs de notre monde globalisé et uniformisé. Pour finir, si le manque de distance critique des médias face à ce qu’il s’est passé est en effet décevant, je trouve important de se permettre un peu de dérision face à l’histoire au risque d’en arriver au même point que ce que l’on a vu il y peu au USA où des manifestants se sont fait arrêter pour avoir dansé devant un monument (http://bit.ly/mO0rGz), ce que je trouve terrifiant.

    • Parfaitement d’accord avec votre retour. Je suis tiraillé, sur ce sujet, ne sachant pas trop quoi penser. Je crois que le plus intéressant, finalement, est comme de s’interroger, à défaut de donner une réponse qui serait de toutes façons trop partiale.

      Sachka et vous pointez du doigt la nature « mouvante » dans le temps de l’espace public perçu. Entre la population vieillissante de la Bulgarie et les jeunes générations occidentalisées, il y a un vrai fossé ; en ce sens, c’est peut-être aussi le rôle de l’espace « public » de combler ces différences, voire ces clivages.

  • Bonjour,
    Afin de résoudre la contradiction qui vous tiraille, je propose la lecture suivante : séparer totalement l’événement en lui-même, de la présentation qui en est faite dans les médias : d’un coté il n’y a pas de déontologie du vandalisme, c’est inutile de se poser la question (je précise que j’apprécie d’ailleurs sans réserves le graf, mais soyons clair : mes très bon amis graffeurs se désignent eux-même comme vandales, de la même façon qu’un hacker sait pertinemment ce qu’il fait quand il casse une sécurité ou pirate un compte). L’esprit Lulz est le seul qui guide les graffeurs.
    Le problème est donc, effectivement, dans l’analyse médiatique dominante : il est désormais impossible d’écrire une phrase contenant le mot « soviétique » suivi d’un adjectif ayant la moindre connotation positive. vous même avez ressenti l’obligation de vous en justifier. Cette aliénation intellectuelle arrive même à ré-écrire l’histoire, car c’est bien de cela qu’il s’agit. C’est donc dans les médias qu’une déontologie devrait exister, mais cette idée fait malheureusement partie de l’histoire ancienne, la déontologie dans ce métier est aussi oubliée que le sacrifice des soldats célébré par ce monument.

  • Je pense que c’est comme les blagues politiquement incorrectes ( racistes, sexistes, … ). Plus la blague est violente, plus je suis exigeant avec la qualité de la blague. En l’occurence je trouve cette profanation exécutée avec un certain panache, un souci du détail, une qualité d’exécution, un humour qui lui assure à mes yeux une certaine dignité. Peut-être est-il bon de rappeler que ces guerres ont été menées au nom de la liberté et que cette intervention esthétique et humoristique nous montre bien que ce ne sont pas les nazis qui ont gagné.

    • Je vous rejoins en partie sur le postulat, moins sur son application au cas présent. Personnellement, comme dit dans le texte, je trouve ce pot-pourri de pop-culture américaine un peu trop cliché pour être de qualité…

  • Cher Mr Gargov,

    Vous posez une très bonne question, et l’équivalence que vous évoquez (que dirait t’on si le mémorial américain de coville sur mer…) nous renvoie au coeur de ce qui ici fait la spécificité de ce cas.

    Il y a profanation en effet, mais votre analyse omet d’indiquer que c’est une profanation d’un symbole qui évoque ce que le monde connut de pire après ou en même temps que le nazisme : l’idéologie stalinienne qui mit a sa botte et derrière un rideau de fer la moitié de l’Europe et dont la Bulgarie eu grandement a souffrir.

    C’est une profanation d’un « symbole maléfique » et s’il est indécent d’oublier que les soldats soviétiques ont combattus le nazisme vaillamment (après avoir fait alliance pendant 2 ans avec eux), il l’est tout autant d’oublier que ces mêmes soldats combattirent de toute leur force la liberté et les droits les plus élémentaires des peuples en Europe.
    La comparaison avec les soldats ou le régime américains est tout simplement impossible.

    On peut aussi supposer que le graffeur a voulu dénoncer la relative médiocrité de l’oeuvre (en créant une équivalence à la pop culture américaine qui s’assume comme un « art » mineur) sans forcément attaquer son signifié « stricto sensu ».

    Probablement que c’est pour ces raisons qu’inconsciemment quelque chose en nous applaudit à ce détournement …

  • A mon avis, l’art urbain peut devenir du street art lorsqu’il manifeste une résistance qui ne pourrait s’exprimer publiquement sans engendrer une menace pour l’artiste. Sinon, il y les galeries et lieux d’exposition.

  • Peut-être qu’on pourrait dire que ce que cet artiste a (malgré lui probablement) rendu honneur à ces soldats morts pour que l’Europe puisse avoir aujourd’hui des artistes qui soient libres de peindre sur des monuments sans risquer la mort.

  • je suis toujours surpris de constater que le street art prend pour support les biens publics ou ceux des autres. Pas l’ombre d’un artiste de cette étoffe qui aurait tagé sa voiture ou la maison de ses proches.
    Il y a de la baffe dans l’air, juste pour aider à grandir.

  • Arrêtons de nous voiler la face.

    Le « Street-art », c’est du vandalisme, et ça le restera toujours. Aucune éthique n’est possiblement envisageable, parce que c’estun art définitivement illégal.

    Aucun graffeur ne demande qu’on légalise ça. Alors pourquoi parler d’éthique, si le principe même est de ne pas respecter les règles ?

    A chacun de s’interroger sur sa propre éthique, et pas sur l’éthique du Street Art, concept purement bourgeois et déconnecté de l’origine de cette forme d’expression qui est… le graffiti.

    • @youness @polydori – là pour le coup vous êtes vraiment à côté de la plaque. Dire que le Street Art est un art bourgeois c’est n’importe quoi. C’est peut-être la première forme d’art reconnue qui soit précisément pratiquée par des populations des couches sociales parmi les plus défavorisées. Qu’un certain snobisme entoure cette forme d’expression, je veux bien, mais ce ne sont pas les critiques de la gauche caviar qui vont se geler les miches à peindre des fresques sur les bords des voies sncf. Alors peut-être que dans le tas il y a quelques fils d’instit. ou de médecin, mais massivement il s’agit de jeunes issus de couches sociales précarisées.

      @gargov – je trouve assez profonde la juxtaposition des héros réalistes soviétiques et des héros de comics étatsuniens. Je n’en tire pas de « leçon » univoque mais justement c’est ce qui me semble intéressant.

      • @youness : vous confondez le légal et l’éthique. Les actes illégaux sont parfois très, très éthique. Parfois non.

        @polidori : 1/ C pas forcément vrai 2 / le street art par essence utilise des espaces « vierges » (genre mur béton gris) et améliore/dénonce/détourne des trucs moches ou raté ou … indécents.

        @polidori @ youness : ce n’est pas parce que la rue appartient a tous qu’on peut tout y faire, mais ce n’est non plus une raison pour empêcher de tout y faire.

        @tous : une autre forme de street art really top http://vimeo.com/18306137

      • @laurence
        « là pour le coup vous êtes vraiment à côté de la plaque. Dire que le Street Art est un art bourgeois c’est n’importe quoi. C’est peut-être la première forme d’art reconnue qui soit précisément pratiquée par des populations des couches sociales parmi les plus défavorisées. Qu’un certain snobisme entoure cette forme d’expression, je veux bien, mais ce ne sont pas les critiques de la gauche caviar qui vont se geler les miches à peindre des fresques sur les bords des voies sncf. Alors peut-être que dans le tas il y a quelques fils d’instit. ou de médecin, mais massivement il s’agit de jeunes issus de couches sociales précarisées. »

        La forme d’art pratiquée par « des populations des couches sociales parmi les plus défavorisée », ça s’appelle le graffiti. Enfin c’est comme ça que ça s’appelle chez les gens qui pratiquent. Le graffiti n’as pas besoin d’être reconnu comme un art (par qui ?) pour exister. Ce n’est ni la première ni la dernière forme d’art a être progressivement détournée et récupérée par « l’esprit bourgeois » qui considère qu’on peut dissocier la concrétisation de l’oeuvre de son support et de son contexte, lui ôtant au passage son sens initial ainsi toute sa puissance subversive, tout en lui conférant une valeur monétaire bien dérisoire au regard de sa nature véritable. C’est un art pulsionnel, qui donne à voir et à ressentir l’ambivalence de la création en cela qu’elle ne se dissocie pas de la destruction plus ou moins partielle de son support et surtout de la violence symbolique de l’appropriation de l’espace mental du spectateur. Associé à la répétition de l’o
        pération, de la déviation parfois maniaque d’appropriation de l’espace (le tag), et surtout au jeu social entre pairs. C’est entre les acteurs du mouvement que se joue la partie la plus importante de l’action, c’est avant tout pour soi et pour les autres chez qui cette pulsion se concrétise que le tag se produit, l’avis des ‘profanes » ne compte que quand viens l’heure de faire les comptes, en réputation (« fame »), en monnaie sonnante et trébuchante… ou bien en amendes, heures de TIG et/ou sursis voire ferme !

        Quant à la proportion de fils de médecins ou de profs qui se gèlent les miches aux abords des voies SNCF (pas beaucoup de filles, d’ailleurs, mais c’est une autre histoire) il faudrait voire à se méfier tant le phénomène de « déclassement » moderne tant à précariser tout une génération. Il est sûr en tout cas que la plupart de ceux qui poussent le vice jusqu’à s’approprier des trains sous surveillance dans des gares ou des stations de tri ne sont pas des « street-artistes » en herbe qui se destinent à vendre des croûtes ou des concepts creux à ceux de leurs compatriotes qui sont mieux nés… Ils se servent déjà et continueront à se servir sans demander la permission à qui que ce soit ! Mais ils tiennent à ce que vous le sachiez alors ils laissent des traces ^^ ( Bien sur ce sont des êtres humains, ils sont sensibles, vieillissent et peuvent se laisser acheter… ou pas)

        Bref, apprenez à faire la différence entre l’original et la copie, et surtout l’ersatz insipide produit par l’industrie capitaliste et l’air du temps.

        • Beaucoup de choses dans ce que vous dites, difficile d’y répondre précisément. En gros une idéologie qui valorise » ceux qui font » au détriment de ceux qui pensent et nomment, le » spontané » au détriment du » réfléchi « .

          Bref l’authenticité des pulsions contre l de Le mot » graffiti » est en soi, déjà, une récupération savante d’un terme courant qui existait avant le street art. Je pense qu’on peut relier et trouver des intersections aux deux concepts mais pas toujours. Ce qui est sûr c’est que tous les graffitis ne sont pas du street art. Et je pense aussi que bien des oeuvres de Street Art relèvent plus d’une filiation aux Murals qu’au Graffiti ( et je ne parle parle pas des Grottes de Lascaux – d’ailleurs pourquoi ne pas appeler le Street Art de l’art Pariétal tant qu’on y est ? ).

          Bref, je trouve très bien de vouloir se réapproprier l’air de rien le lien avec la tradition du graffiti mais j’ai l’âge de me souvenir que bien peu des Graffeurs des années 80 appelaient ce qu’ils faisaient du « graffiti ». D’ailleurs il y a une sorte de dichotomie rock/graffiti (George Lucas « American Graffiti ») et hiphop/graf/tag/street-art. Cette opposition sépare autant qu’elle relie ces deux cultures. Pour finir cette réponse décousue par volonté d’aller vite, je veux dire que, en ce qui me concerne, l’art c’est ce qui est dans la rue, au moins autant et souvent bien plus que ce qui est dans les galeries. Le Street-Art c’est ce qui est dans la rue. Le lien avec l’histoire de l’art de Lascaux à Basquiat il est dans la rue avant tout. Et c’est bien l’art qui se trouve dans les galeries que je trouve un peu risible d’appeler « street » art.

  • Un monument aux mort s’est fait hacker.
    #LOL

  • Où est la limite entre street-art et profanation ? Il n’y en a plus depuis fort longtemps… ! Dans un des premiers livres sur les Tags et Graphes, l’auteur notait : « Qu’ils étaient en guerre larvée contre …Tout et Tous … »!

  • En dehors de la question du vandalisme, entre les tombes (comme au Mémorial de Colleville-sur-Mer qui est aussi un cimetière) et les monuments aux morts, il y a une différence de taille. Dans un cas, on a affaire à des individus (morts), de l’autre à des symboles, à des contextes politiques qui mettent en place ces symboles, à des symboles qui évoluent en même temps que l’histoire. S’en prendre à des symboles, c’est l’essence de l’art, non ? On est à un niveau d’égalité entre deux systèmes de représentation. Ce qui n’est plus le cas quand on saccage une tombe.

    Se demander jusqu’où peut aller l’art (street ou pas) quand il s’attaque à un symbole, c’est ouvrir la porte à bien des fenêtres. à ceux, par exemple, qui s’en prennent à une œuvre comme Piss Christ au prétexte qu’elle serait une insulte faite individuellement à tous les chrétiens. je n’ai qu’une réponse dans ces cas-là (totalement argumentée): ben non.

    • A propos de Piss Christ, j’ai justement mis en lien le récent article d’Owni sur la question (cf. “et je suis prompt à condamner le bullshit des censeurs”). Nous sommes donc sur la même longueur d’onde sur ce point. Mais le street-art (donc sur voie publique) rentre-t-il dans les mêmes cadres que l’art des galeries (qui choquera ceux qui le cherchent) ? C’est toute la question de ce billet.

      Précision quant à Colleville-sur-mer : je ne parlais évidemment pas des tombes mais du Mémorial en lui-même :-)

  • Le problem, (excuse mon francais, s’il vous plait) est que les Russ ne sont pas des soldat heroiques, qui avaient tombee dans la guerre contre le Nazism. Il n’y a pas des victim Russ dans la territoire Bulgare. Et plus, ils sont des occupateurs, qui a installe’ le communisme en Bulgarie.

  • Génial !!
    Bravo à l’artiste de cet œuvre éphémère !

  • Je pense que la force du « street art » et du graffiti est d’échapper aux codes ainsi qu’aux valeurs éthiques… c’est pour cela qu’il est si dérangeant et que personne ne s’entend à ce sujet.. Mème entre puristes de ce mouvement, chacun y trouve sa propre vision et conception, revendicatrice ou non, égocentrique, politique… Et peut importe j’ai envie de dire!! Mais il reste un art « brute » hors de controle!! Et de ce fait, il a tous les droits!! Il ne connai pas de limite et ne dois pas en connaitre… Que ce soit de la profanation ou autre choses, si quelqu’un prends des sprays pour nous imposer quelque chose, il est trop tard pour le juger.. Il nous reste plus qu’a subir visuellement.. Et d’en tirer les conclusion que nous voulons.

  • Personnellement, je ne comprends pas ce que ça a d’artistique. C’est du peinturlurage, c’est rigolo certes, mais en Photoshop, pas en vrai. Et puis le tag noir en-dessous, c’est ni fait ni à faire. Le problème fondamental est que cette statue est pour tout-le-monde, et qu’en y mettant ses couleurs, son humour, son mot à dire, la personne qui a fait ça se l’approprie alors qu’elle n’a finalement pas à le faire. Il faut parfois accepter que nos idées, quand bien même originales, n’ont pas à être imposées aux autres (et c’est l' »imposées » qui fait tout!)…

  • Bonjour,

    Vous posez avec cet article une question très intéressante sur cette frontière entre street-art et profanation . Une telle question interroge sur la délimitation de cette frontière éthique, et pour éviter tout tracer arbitraire, je pense qu’il convient d’interroger le rôle de l’érection d’un bâtiment dit de «mémoire.»

    Voyez, je pense qu’il existe deux types de monuments de mémoire. D’une part il existe celui qui vise à instrumentaliser des faits historiques pour une véritable manipulation des esprits, d’autre part il y a ceux qui visent simplement à la mémoire, pure et neutre, d’hommes morts aux combats pour un idéal de paix.

    En effet certains monuments que l’on déclare de «mémoire» ne sont là que dans l’unique but de manipuler les esprits. Prenez l’érection de monuments aux morts dans les villages français durant l’entre deux guerres. Elle se réalise officiellement et nationalement dans le but d’honorer les soldats français décédés. Mais officieusement, elle constitue une véritable opération de banalisation de la mort et attise la haine envers nos voisins germaniques. Évidemment, avec notre recul, nous ne pouvons aisément concevoir le rôle de ces monuments à l’époque, qui restent pour nous aujourd’hui, en l’honneur de compatriotes.

    D’autres monuments sont véritablement de mémoire, ils sont épurés de toute instrumentalisation. Pour reprendre votre exemple du Mémorial de Colleville-sur-mer, je pense sincèrement que ce bâtiment est construit en honneur aux soldats morts aux combats pour la paix. Il n’a pas été réalisé dans le but de railler la défaite ennemie pour faire la gloire du triomphe de la culture occidentale sur l’histoire, même si certains affirmeront que c’est une incarnation de la victoire du monde de l’ouest.

    Ainsi, en ce qui concerne le monument de Sofia. Je pense qu’il relève plutôt de la première catégorie. Une œuvre réalisée dans le but de faire l’apologie de la montée en puissance du régime dictatorial soviétique. Un témoignage de l’installation du système satellitaire des démocraties populaires. L’Armée rouge incarnant historiquement un des moyens d’étranglement les plus vifs pour assoir le régime soviétique sur les pays des futures démocraties populaires. Si cette œuvre a vraiment été érigée dans ce but, je comprends qu’un artiste puisse en faire un détournement pour un autre usage.

    Cependant, il ne faut pas jeter l’opprobre sur les hommes qui composaient l’Armée rouge. Sans doute croyaient-ils en un idéal, celui du régime de l’URSS que nul ne pouvait prévoir ou voir à cet échelon et à cette époque. Bien malin qui peut prédire l’avenir.

    Finalement, je pense qu’il faut peser les mots, la profanation étant un terme peut-être un peu fort et classant. Le monument bulgare n’existant pas à mon sens dans le même but que celui de Colleville-sur-mer, je comprend qu’il suscite de l’agacement et soit l’objet de revendications artistiques. Quant à la qualité esthétique et technique du travail de l’artiste/tagueur en question, c’est un autre débat : cliché de la culture pop ou ironie d’une nouvelle domination ? De la domination soviétique au mainstream américain, le chemin est long.

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