25 avril 2011
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L'observatoireArticles

La ville fertile, entre biodiversité et biodiversion

Le 25 avril 2011 - Par qui vous parle de , ,

Les architectes aiment le gazon et tiennent à le faire savoir, comme en témoigne l’exposition « La ville fertile » (juqu’au 24 juillet à la Cité de l’architecture et du patrimoine). Faut-il y voir un signe de rédemption ? Ce serait être de mauvaise foi que de nier l’effort que font certains architectes depuis des décennies pour sortir la profession de leur tour d’ivoire. De même, j’aurais pu taper dans la mare et faire mon troll en titrant ce billet « Ville fertile, expo stérile », mais ce serait trop zemmourien. Car l’expo vaut vraiment le détour, tant dans la forme que dans le fond (contrairement à l’expo « La ville dessinée » de l’an passé)… sans être franchement satisfaisante pour autant. Explications de mon (re)sentiment, après avoir vu l’expo en petit comité [PS : Caroline, du Groupe Chronos, est moins sévère que moi mais son compte-rendu complète à merveille celui qui suit. Allez donc y jeter un oeil !]

Malgré ce que j’ai écrit en introduction, force est de constater qu’un certain nombre d’architectes a encore du mal à comprendre les enjeux urbains de manière systémique. On pourrait ainsi résumer la grande majorité des projets présentés en quelques mots : « je mets du vert partout, ça devrait passer ». Prenons le cas du plateau de Saclay, cité parmi les exemples de « projets fertiles ». Je veux bien qu’on me fasse avaler le cadre bucolique du pôle ; mais de là à le faire passer pour un projet écolo, je pouffe ! Car pour se rendre à Saclay, n’espérez pas vous passer de votre voiture…!

De même, le projet de périph’ reboisé résume à lui seul toute mon aigreur : on met du vert partout, mais sans jamais remettre en cause la pertinence d’un périphérique automobile sur le long terme. Agrémentez le tout de quelques montages photo montrant des bambins en poussettes et des mamans souriantes (et blanches, cf. les compères de Deux Degrés), et vous êtes sûr que votre projet passera comme une lettre à la poste.

On retrouve ici un problème déjà pointé du doigt par de nombreux analystes,  et notamment par Transit-City à propos du Grand Paris ou pire, du Volcano Buono de Renzo Piano. Sa sentence s’applique précisément à de nombreux projets présentés dans l’expo :

« Cela fait longtemps que je pense que les architectes sont les pires penseurs urbains. Ils sont tellement obnubilés par le bâti et le fixe, que bien souvent ils ne perçoivent pas ce qui fait vraiment la ville. La pauvreté des propositions en matière de transport faites par les équipes ayant planché sur le Grand Paris en est un des exemple le plus flagrant.

[…] Que voit-on sur ces photos ? Tout simplement toutes les limites de l’architecture verte. C’est à dire une architecture qui se veut plus ou moins écolo avec du gazon partout, mais qui dans la réalité se met au service d’un projet qui est tout sauf écologique »

Une sorte de greenwashing urbain qui ne me surprend même plus, mais qui me déçoit quelque peu dans l’antre du Palais de Chaillot. J’étais peut-être naïf d’y croire encore… mais il faut croire que l’architecture « phytosanitaire » (pour reprendre le très joli mot d’Urbain Trop Urbain) a encore de beaux jours devant elle. Too bad.

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Voilà pour la grosse critique, qui ne concerne heureusement pas la majorité des projets. Ma déception réside aussi dans le très faible traitement des « imaginaires » de la ville fertile, notamment dans la pop-culture (vous commencez à me connaître). Bon, je comprends bien que ce n’était pas l’objet de l’exposition… mais bizarrement, cette question est abondamment évoquée dans le film d’introduction, qui fait la part belle à Hollywood (Avatar, I Am Legend, etc…) C’est qu’il y a beaucoup à en dire ! Aussi, et parce que critiquer c’est facile mais proposer c’est mieux, je me chargerai d’approfondir cette thématique dans ma prochaine chronique Urban After All, qui sera publiée lundi prochain. Stay tuned. Je me pencherai notamment sur l’étonnante récupération « verte » d’imaginaires dystopiques… C’est d’ailleurs un autre (petite) déception : pourquoi ne présenter que le versant cool et radieux de la ville fertile ? N’est-ce pas (aussi) la mission de la Cité de l’architecture que de « secouer » son audience ?

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Voilà pour mes grandes critiques. Mais que cela ne vous bride pas l’envie d’aller voir l’expo ! Car encore une fois, la multitude des projets présentés en fait une belle vitrine de la pensée architecturale et paysagiste actuelle. Une manière de prendre le pouls d’une époque qui me donne envie de facepalm.

PS : et si vous passez vous l’expo, n’hésitez pas à prendre un billet supplémentaire pour sa cousine dédiée à Roberto Burle Marx, qui fait plaisir aux yeux !

4 commentaires

  • Pour ma part, il me semble que, malheureusement, cette exposition intéressante, ressemble d’avantage à un recueil d’urbanisme, plus qu’à une exposition.

    • Oui, je partage votre reproche … Disons qu’on a plus l’impression d’un catalogue de projets « un peu verts » que d’une vrai réflexion sur la place de la nature en ville.

  • Bonjour, je suis l’auteur d’un article qui émet également des doutes sur cette exposition, notamment en ce qui concerne le manque de définitions claires dans l’ensemble de l’exposition. J’ai pour ma part trouvé que l’absence de définitions ne serait-ce que du terme « nature » amène de nombreuses confusions et empêche une réflexion construite et cohérente : http://minu.me/4plv

  • Cette exposition est extrêmement décevante.
    Non seulement elle n’apporte rien de plus au débat, pourtant pertinent, mais elle semble lisser tous les aspects sociologiques. En effet, pourquoi souhaite-t’on voir plus de végétaux en ville ? Cette question simple induit, j’espère (!) des réponses multiples… auxquelles nous devons répondre, nous, qui vivons la ville quotidiennement !
    Mais l’exposition préfère énumérer les propositions d’architectes qui ont cru (de) bon (ton) de mettre du vert dans le béton.
    Une fois de plus, il serait dommage de s’extasier sur les réalisations sans penser à leur fondement !

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