Inutile d’être allé sur place pour savoir que les métros nippons forment un espace à part. Deux visions dominent largement l’imaginaire occidental : celle du wagon bondé et surbondé par des contrôleurs zélés ; et celle d’une voiture endormie, symptôme d’une nation surmenée. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil à Google.
Je dois avouer que la deuxième version me parle davantage ; c’est en tous cas la seule que j’ai rencontrée lors de mon voyage à Tokyo il y a quelques années. Mais nous y étions en été et de nombreux Tokyoïtes étaient en province pour les fêtes, ceci expliquant certainement cela…
Quoiqu’il en soit, j’associe de facto le métro à cette lenteur apaisante qu’évoque justement un excellent article du dernier hors-série de Courrier International, consacré au triomphe du Japon pop.
L’article (page 21) évoque une notion aussi séduisante qu’essentielle pour comprendre le vécu du métro tokyoïte et, plus généralement, de ces « espaces en mouvement » qui caractérisent notre quotidien urbain. Extrait :
« Le concept de ma est au coeur de l’art japonais. Le ma pourrait se traduire par intervalle ou vide dans le temps et l’espace, même s’il n’a pas vraiment d’équivalent dans notre langue [ici l’espagnol, mais c’est évidemment valable pour le français]. Il s’agit d’un concept très subtil qui, au-delà du simple espace physique, implique une expérience sensorielle du vide en tant que substance : le blanc entre les lignes d’un haïkyu, le mouvement d’un caractère calligraphié ou la pause entre deux notes de musique.
Mais le ma imprègne aussi la vie quotidienne au Japon […]. La pause pendant un voyage en train. Le silence dans les voitures. Le langage corporel des passagers. Tout cela fait partie intégrante de cet intervalle, de cet espace vide, mais saturé de sens. »
Xavier Comas, La Vanguardia
« Ma » ou l’espace tokyoïte
Courrier International hors-série n°31 : « Pop Japan », 2010
L’article est accompagné d’un superbe portfolio. Je vous invite évidemment à vous jeter sur ce hors-série qui aborde de front cet « autre Japon« , désormais bien intégré dans notre paysage culturel.
De mon côté, je reviendrais très bientôt (avec une surprise…) sur ce concept si séduisant du ma ainsi que sur celui du mujo, « l’impermanence« , évoqué dans la fin de l’article de Xavier Comas. Deux concepts à mon avis pertinents pour aborder la question du mouvement dans notre paysage urbain.
Pour accompagner la rédaction de ce prochain article sur la ma et l’impermanence, je ne peux que conseiller la lecture du « Vocabulaire de la spatialité japonaise » édition du CNRS qui a été porté par Japarchi (Réseau des chercheurs francophones sur l’architecture et la ville japonaises)
Ces termes, en plus d’être explicités, sont liés à d’autres notions nécessaires à leur bonne compréhension (par exemple : « ma » et « en » [le lien] ou « mujô et « sumai » [l’habiter])
http://www.cnrseditions.fr/architectureurbanisme/6863-vocabulaire-de-la-spatialite-japonaise-sous-la-direction-de-philippe-bonnin.html
Au plaisir de lire ce prochain article …