De retour de voyage au pays des mangas, il est temps d’esquisser une réponse à la question qui vous taraude tous : « Alors, ça ressemble à quoi le Japon ? ». Vaste question ! Mais dans l’ensemble des images qui nous viennent à l’esprit quand on se remémore sa propre épopée nipponne, comment ne pas penser au foisonnement des rues, aux lumières des panneaux publicitaires baignant les avenues la nuit tombée, à toutes ces allées qui sont souvent le lieu de bien des particularités de la culture nippone ? Pour parler de Japon, commençons donc par l’endroit où nous déambulons le plus : la rue.
Vue d’ensemble : une pittoresque avenue tokyoïte
Je ne reviens pas sur la hiérarchisation des rues, entre voies primaires et voies secondaires, déjà bien abordée par Benjamin Taveau dans son très bon article sur la mobilité au Japon. Mais qu’est-ce qui distingue la rue nippone des autres rues urbaines ? Comment la reconnaitre entre mille ? Quels en sont les éléments les plus typiques, ou encore les absences les plus étonnantes ? Petit passage en revue à but non exhaustif des spécificités de la rue japonaise.
Minéralité et appendices verts
Comme dans tous milieux urbains, la rue nippone frappe par sa minéralité : sol de béton lisse encadré de blocs d’immeubles dans les artères principales. Rares sont les voies principales à intégrer de la verdure sur la voirie : à ce titre, Omote-Sandô à Tokyo fait figure d’exception (et encore, l’implantation de rangées d’arbres était une volonté d’imiter… les Champs-Elysées. On connaît plus bucolique !). L’espace laissé au piéton est réduit, chaque mètre carré compte, priorité au flux.
Partage minutieux des flux dans une rue étroite de Kyoto (le piéton n’a plus qu’à raser les murs pour se déplacer)
Et dans les voies moins fréquentées, les rues plus étroites, les zones résidentielles ? Si la minéralité est toujours présente, s’y ajoute subtilement des appendices verts le long des façades : quelques pots de fleurs de ci, quelques plantes de là, soigneusement collés le long des habitations qu’ils agrémentent.
Dédale de ruelles habitées, dans le quartier de Nezu à Tokyo
Cette organisation en micro-jardins ferait penser aux frontages observés à Amsterdam, dans des dimensions bien plus réduites ici. Une composition agile qui se joue de l’étroitesse de l’espace accordé à la sphère du personnel sur la voirie.
Jardinet tout en pots devant une maison ancienne (Kyoto)
Petit espace vert à forte densité (Inuyama)
Omniprésence de micro services à haute utilité publique
Mais on reconnait surtout l’espace public japonais à des éléments incontournables qui ressortent souvent dans les témoignages des touristes : l’omniprésence de distributeurs automatiques ou encore de lockers publics dans les rues.
Le combo classique dans les rues de Tokyo : lockers + multiples distributeurs de boissons
Il est difficile de faire plus de cinquante mètres dans un lieu un tant soit peu urbanisé sans croiser des distributeurs, qu’ils soient seuls ou rangés en groupe (en rase campagne, ils ne sont pas rarissimes non plus !). Généralement, ils proposent les breuvages « essentiels », mais d’autres plus étonnants surprendront la plupart des occidentaux. En revanche, il est plus inhabituel d’y trouver d’autres produits que ces en-cas liquides si ce n’est des paquets de cigarettes – relativement courants -, ou une poignée de pourvoyeurs de cornets de glace salvateurs !
Même les territoires les plus reculés sont pourvus de leurs (petits) totems à boisson (à Anbo, sur l’île de Yakushima)
Une omniprésence que l’on comprend vite en période estivale, confronté à la chaleur moite du Japon (et qui ne s’arrange pas en milieu urbain). Mais, les distributeurs sont également la manifestation d’un amour particulier pour le « tout prêt », le produit disponible H24 7/7, que les japonais semblent chérir tout particulièrement (en témoigne l’importance des konbinis dans leur quotidien, qui feront l’objet d’un autre billet). Des services de proximité disponibles à tout moment et adaptables : ainsi, les boissons chaudes remplacent les froides dans les distributeurs à l’approche de l’hiver !
Second objet urbain s’inscrivant dans cette même logique : les lockers. Répondre à un besoin pratique, permettre aux japonais de stocker leurs affaires pour mieux s’adapter aux différentes activités de la journée (comme ne pas arriver chargé à un rendez-vous d’affaires, ou en soirée dans le club voisin…), tels sont le rôle et l’usage ordinaires de ces petits casiers en libre-service. Contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, ces consignes ne se situent pas seulement aux abords des gares. Elles sont bel et bien disponibles dans n’importe quel lieu de passage (en particulier à Tokyo), preuve d’une utilité dépassant les simples grands lieux de transit.
Lockers pour tous dans une station de métro à Tokyo
Pratiques, pragmatiques, ces éléments de services payants accolés aux rues rendent-elles pour autant la composition des artères japonaises généreuse ? C’est le questionnement qui nous animera dans le prochain billet d’introduction à l’anatomie de la rue nippone… En attendant, on vous laisse rêver de boissons glacées à moins de 2€, et de petits jardins en bordure de rue !
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Et en bonus, voilà jusqu’où peut mener l’adulation japonaise pour ces services de rue bien pratiques :
Ce distributeur de parapluies, croisé à Kyoto un jour de saucée au beau milieu d’une station de métro, traduit plus que tout autre distributeur cet amour pour la praticité que cultive la culture nippone. Le déluge s’étant déclaré entre deux arrêts, chaque station de métro se change généralement – dans ce type de situation – en abri salvateur. C’est encore mieux s’il peut aider les passants à sortir de ce bunker éphémère en proposant une solution simple et efficace : la vente ultra-rapide (et bon marché) de pépins transparents !
Dans la même veine, ce locker dédié aux parapluies (la vidéo n’est pas de nous) représente un bon exemple « pratique » offert par les rues japonaises. Généralement présentés devant un lieu d’affluence et de déambulation (un musée par exemple), ces consignes à pébroques permettent à leurs détenteurs de les retrouver sans difficulté. En effet, ce mobilier original n’a probablement pas pour objectif de limiter les vols, mais bel et bien d’identifier des objets.
Le parapluie abandonné (oublié) est sans doute l’un des éléments clés du décor de la rue japonaise en été !
Ainsi, le parapluie incarnant sans doute l’agent le plus ordinaire de l’habitant japonais durant la saison estivale (comprendre « pluvieuse »), le risque de confusion entre son bien et celui du voisin est presque obligatoire ! Cependant, le principe de vol étant presque inexistant dans la société nippone, la présence de lockers consacrés à ces objets du quotidien n’a sans nul doute aucun lien avec une quelconque crainte du chapardage… Eh oui, si vous croiser un objet abandonné dans une rue ou une rame de métro japonais, vous pouvez être sûr de le retrouver au même endroit le lendemain !
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