[Note de Philippe Gargov : vous avez sous les yeux le premier billet *officiel*1 proposé par un contributeur extérieur. Je ne vous cache pas mon plaisir de voir pop-up urbain s’ouvrir à d’autres plumes que la mienne !
Philippe Hurtaux est actuellement étudiant en master AUDT à l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de Lille. En plus de porter le prénom le plus classe du monde (^^), vous pourrez constater à la lecture de son excellent billet combien lui et moi sommes sur la même longueur d’onde(s)… (plus d’explications en fin de billet) ;-)
En vous souhaitant une excellente lecture,
Philippe Gargov]
———–
Premier post, premier sujet engagé ! C’est du sérieux : car « après les pigeons, les problèmes d’épanchement d’urine sur la voie publique sont l’autre grand fléau de salubrité publique des villes, particulièrement celles ayant développé une activité nocturne » ! Le blog Innov’ in the City nous rapporte donc la solution proposée par la société hollandaise Urilift : des urinoirs ascenseurs !
Rassurez-vous, les deux actions suggérées ne sont pas simultanées. Il s’agit de camoufler les urinoirs en question dans le sol, « laissant alors place à une simple marque ressemblant à s’y méprendre à une simple plaque d’égout ». Les urinoirs pourront ainsi être sortis la nuit tombée. Vous l’aurez compris, l’objectif annoncé est de ne pas perturber les activités diurnes avec ce mobilier urbano-sanitaire, tout en résolvant ce problème d’épanchement urinaire nocturne.
Je ne cacherai pas mon scepticisme. Ces urinoirs-ascenseurs rappellent très clairement le genre de modèle que l’on peut trouver dans les festivals de musiques en plein air (le public visé doit être similaire). Dans ces événements, de tels urinoirs sont donc situés dans une zone, sommairement, mais bel et bien identifiée comme une zone sanitaire (même si l’on peut parfois en douter). Or le concept Urilift vise justement, à ne pas délimiter une telle zone, puisqu’elle se veut camouflée. Uriner dans la rue (au delà d’être puni par la loi) est souvent taxé d’exhibitionnisme, même si vous avez pris soin de trouver un coin suffisamment sombre pour votre intimité(e). Se présente donc à vous, au milieu d’une place ou d’un trottoir, un urinoir éclairé par le dessus tel le Graal par la lumière divine. Vous pouvez donc être certain d’être vu de tous pendant votre « quête de soulagement » !
Mais un tel dispositif, c’est aussi se priver d’une certaine façon de découvrir la ville. La logique veut que pour chercher l’intimité nécessaire à se soulager, vous alliez là où vous ne seriez jamais allé. Combien de ruelles ont été ainsi découvertes ? De telles recherches nocturnes font bel est bien parti d’une coutume urbaine qui s’organise sur Facebook, par exemple.2
Il ne s’agit pas d’inciter à de telles pratiques (qui encore une fois sont considérées comme de la dégradation publique et peuvent être punies par la loi), mais de s’interroger sur la pertinence de tels systèmes. Ne devrions-nous pas être capable de concevoir de véritables espaces publics, capables de satisfaire les besoins naturels de tous de jour comme de nuit, sans avoir besoin de cacher cette fonction ?
A voir également, la video de l’Urilift sortant de terre :
———–
[Note de Philippe G. : Je remercie encore une fois Philippe H. pour cet excellent billet, qui interroge à merveille la difficile coexistence des vies urbaines diurnes et nocturnes.
Mais surtout, je ne peux qu’être enthousiasmé par cet argumentaire intelligent en faveur d’un autre regard sur l’urine en ville ! Ceux qui me connaissent bien sont déjà au courant, mais le sujet me fascine depuis longtemps ; j’en avais déjà parlé dans le billet Urine et skate, croisement d’effluves :
« L’urine serait donc un LBS avant l’heure, qui dépeint depuis des siècles la conquête de la ville par les citadins – au grand dam des riverains. Que l’on parle virtuel ou réel, la ville s’approprie dans ce marquage intensif de l’espace. J’avais parlé de « folksotopie » pour définir ces territoires urbains « augmentés » par l’éditorialisation des citadins, via les applications géolocalisées. « L’urotopie » désignerait alors son pendant odorant : des territoires embaumés par une envie pressante. »
On nage ici en plein dedans !
NB : Si vous souhaitez contribuer au blog, n’hésitez pas ! Vous pouvez me joindre par mail (philippe.gargov@gmail.com), ou vous inscrire directement comme « Contributeur » en cliquant sur ce lien :-) ]
- Le seul précédent, un billet de Game A, ayant été originalement publié sur son blog, La faute à la manette [↩]
- D’autres groupes moins classieux pullulent sur le réseau social, histoire d’affirmer son plaisir « sérendipitaire » à uriner, ici ou là. L’activité fait aussi le bonheur des anecdotes de VDM ! [↩]