Abri riquiqui : l’inspi des archis
Promenade House
Shiga prefecture, Otsu city, 2013
Koichi Kimura
Située dans la préfecture de Shiga, cette maison a été réalisé en 2013 par le cabinet FORM/Kouichi Kimura Architects pour un couple et leur enfant. Sa plus grande particularité ? La condition du site choisi, peu favorable à la construction du fait de son étroitesse (4m de large sur 35m de long !). Qu’à cela ne tienne, l’imperfection en question n’a pas fait peur à son architecte… Au contraire, le maître d’oeuvre a dû redoubler d’inventivité pour offrir à ce projet une surface habitable de 124,3m². Et ce : en jouant sur la profondeur du bâti, pardi !
“The internal space has been planned to have a long narrow hallway, with which your body senses the site geometry. As you proceed along the hallway you will see the spaces spread out one after another.” (Kimura Kouichi)
Comme dans un tableau représentant une perspective impossible, les espaces de vie de la Promenade House se découvrent au fur et à mesure que l’on s’y enfonce… De fait, ce morceau d’ingéniosité habitable mesure 2,7 m de largeur, pour 27 m de long ! L’agencement des pièces s’équilibre alors sur deux niveaux : les espaces de vie communs au rez-de-chaussée, chambres et salle de bain à l’étage.
Crédits photo : Takumi Ota, Kei Nakajima
Pour plus d’immersion dans cette drôle d’habitation, laissez-vous guider par les persiennes zèbrant le sol de lumière de l’entrée jusqu’à la pièce de vie principale – un espace cuisine/salle à manger/salon largement balayé par les rayons du soleil. Cet éclairage naturel est rendu possible par différentes ouvertures utilisées comme puits lumineux, majoritairement situées aux extrémités de la bâtisse. A cet astucieux système viennent s’ajouter de subtiles ponctuations lumineuses que l’architecte utilise pour dynamiser l’espace et accentuer ainsi l’impression de profondeur.
De différentes manières, l’intérieur est donc savamment ajouré pour distribuer la clareté à une sélection de recoins habités. En outre, les différents espaces de la maison ne sont pas clôturés par des contours solides : ni murs, ni cloisons ne viennent sceller les interstices les unes aux autres. Un jeu de niveaux, de décalages et d’utilisation de tissus (a)ménage subtilement l’espace.
L’oeuvre de FORM/Kouichi Kimura Architects porte donc bien son nom : il n’y a guère qu’à Otsu city que l’on peut flâner en famille dans une maison “promenade”, où le couloir n’est plus seulement espace déservant les différentes pièces de la maison, mais incarne tout de bon l’espace habité !
L’édifice se glisse entre les cimes
Nasu Tepee House
Tochigi Prefecture, Nasu, 2013
NAP Architectural Design office, Hiroshi Nakamura
Crédits photo : Hiroshi Nakamura & NAP, Koji Fuji – Nacasa & Partners Inc
En grands amateurs d’agriculture biologique, le couple de commanditaires de la Nasu Tepee House, rêvait de vivre proche de la nature et de se faire construire un logement respectueux de l’environnement d’implantation. Et c’est de fait le site (une forêt assez dense) choisi par l’architecte Hiroshi Nakamura et les futurs habitants, qui a conditionné un certain nombre de paramètres pour la conception de cette résidence d’exception. De ce fait, le maître d’oeuvre a notamment pris le parti de miser sur la hauteur de sa construction afin de capter le maximum de lumière. Aussi, c’est en s’évertuant à réduire les coûts de construction et les espaces inutiles qu’en a résulté la forme triangulaire illustrée ci-dessus – rappelant les tentes primitives de certains peuples nomades.
“This form matches the tree branches that spread out radially, allowing the house to be built without cutting most of the trees. This enables a warm space to be created that mingles with the trees” (voir la page dédiée à la Nasu Tepee House sur le site officiel de l’architecte)
L’emploi d’une forme organique s’amincissant vers le ciel (plutôt qu’un cube, par exemple) facilite l’insertion de la maison dans son environnement. De la même manière, le revêtement extérieur en bois sombre permet à l’habitat de mieux se fondre dans la forêt environnante, respectant ainsi la volonté des clients exprimée lors de la commande : celle de vivre en harmonie avec la nature…
Pour zoomer, voir sur la gallerie d’Archdaily
L’intérieur de la maison, quant à lui, se divise en plusieurs « tipi » – chacun d’eux abritant une des fonctions de l’habitat. Les différents espaces possèdent des caractéristiques singulières en fonction de la hauteur (variant de 2,6m à 8m) et de l’apport de lumière.
“You will feel the warmhearted embrace of the house around you”.
A l’inverse d’une maison classique où l’on habitera plus facilement les extrémités d’une pièce en délaissant le centre, ici les espaces se construisent à partir du centre, créant une ambiance conviviale et chaleureuse à la manière d’un feu de camp.
Habiter l’interstice, surpasser la surface
Construire un habitat minimal mais agréable, en économisant l’espace disponible, est une question récurrente au Japon. L’un des défis intrinsèques à l’exercice de l’architecture japonaise contemporaine est le suivant : Comment réussir à réinventer encore et toujours l’espace de vie en optimisant au maximum la surface ?
L’augmentation des prix du foncier et l’accélération de l’urbanisation ont forcé les villes japonaises à économiser toujours plus, et à rentabiliser au maximum l’utilisation du sol. Ainsi, il n’est pas rare de voir des maisons construites sur des sites exigus et alambiqués. Chaque micro parcelle de ville donnera potentiellement naissance à un projet intéressant, si tant est que l’on arrive à déjouer les difficultés du site pour en tirer de surprenantes vertus. La maison « Promenade » réalisée par le cabinet FORM en est évidemment un savoureux exemple…
Machiya in Ogawa street in Muromachi Period (source)
D’ailleurs, le Japon ancien est loin d’ignorer ce type de constructions étroites creusées en profondeur. Elle rappelle en effet la tounure que prenait l’une des formes archétypales de l’habitat vernaculaire japonais, qui structurait particulièrement certains quartiers de Kyoto entre l’ère Edo et l’ère Meiji :
« Les machiya (町屋, littéralement « maisons des bourgs ») sont des maisons en bois typiques des centres-villes japonais, elles ont servi de logements et d’ateliers aux habitants pendant des siècles. Toutes sont disposées à peu près sur le même modèle : les commerces et les appartements occupent l’avant, tandis qu’un long couloir, où se trouve la cuisine, dessert les entrepôts et un petit jardin à l’arrière. Les Japonais les surnomment par dérision unagi no nedoko (« les chambres à coucher des anguilles »), en raison de leur forme longue et étroite. »
Au boulot les archi ! (in Hokusai, le vieux fou d’architecture)
De la même manière, la maison Tepee s’évertue à minimiser l’espace de vie pour s’insérer dans un environnement contraint. La différence étant qu’ici on s’immisce au mieux dans la nature, au lieu de prendre part à la ville… Que ce soit au milieu de la forêt ou en pleine zone urbaine, ces deux projets réussissent le pari risqué d’habiter l’interstice en se glissant dans un contexte difficile.