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Authority : superhomo urbanus

Le 11 avril 2011 - Par qui vous parle de , , dans parmi lesquels

[ Note de Philippe G. : C’est avec un IMMENSE plaisir que j’accueille dans ces colonnes Matthias Jambon-Puillet, auteur de l’éclectique TheBestPlace. Pour sa 1108e note de blog (!!!), sympathiquement destinée à être reprise ici, « LeReilly » croise deux de ses passions : les comics et la ville, en nous parlant d’un superhéros au pouvoir bien particulier… Une vision qui dénote d’ailleurs avec l’imaginaire traditionnel de la ville hostile, présent dans un grand nombre de comics (cf. ici, ou ). Je lui cède donc la parole, en le remerciant encore une fois ! ]

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Jack Hawksmoor est le Dieu des villes. Kidnappé à de multiples reprises dans son enfance par des humains du 70ème siècle, il a été modifié pour en faire un super héros. A présent adulte, Jack vit en communion avec les villes. Sa puissance est proportionnelle à la mégalopole qu’il occupe. Déplacé en campagne, loin de toute urbanisation, il fait plus que faiblir. Il tombe malade et pourrait rapidement mourir. L’air frais lui est littéralement toxique. Mais dans une ville, il est le roi. Il bondit d’immeubles en immeubles, marche le long des façades avec ses pieds à la texture proche de pneus. La ville lui parle, le fait souffrir quand elle souffre, hurler quand elle hurle. Alors Jack protège la ville en la nettoyant de sa corruption, des malfrats qui la gangrènent. En échange, la cité accepte de lui obéïr : d’abattre ses bâtiments sur un ennemi, d’engloutir une armée sous des pavés mouvant ou bien de former un golem géant de maisons encastrées.

La plupart des super-héros sont la résultante d’un fantasme de puissance. Si seulement je pouvais voler pour m’enfuir loin. Si seulement je pouvais me régénérer pour encaisser les coups. Si seulement j’étais assez fort pour me battre. Là où Jack Hawksmoor diffère, c’est qu’il est la réponse à un fantasme un peu différent. Un fantasme nouveau. Créé il y a un peu plus de dix ans dans la série Stormwatch (puis Authority) par le génialissime scénariste Warren Ellis pour l’éditeur Wildstorm, Jack Hawksmoor répond à l’angoisse de l’individu seul dans la mégalopole. Au fil de son expansion, la ville est devenue un organisme. Les individus en sont les cellules, qui se déplacent d’un bout à l’autre pour faire vivre la cité, empruntant artères et transports en commun, façonnant chacun à leur niveau, sans s’en rendre compte, le paysage urbain. La ville évolue, mais plus seulement par la volonté d’un seul homme, d’une mairie centralisée. Nous sommes tous responsables collectivement mais impuissants à un niveau individuel.

Jack cristallise toutes les angoisses de l’urbain moyen. La ville n’est plus une ennemie mais une amie. Il n’est pas seul au milieu des anonymes, la ville est là avec lui. Il peut influer seul sur l’organisme tout entier. Et quoi qu’il arrive, la ville est là pour lui comme il est là pour elle. Le personnage est un peu la version suprême de ces habitants des villes qui vivent mal la campagne, l’absence de repères et un fonctionnement complètement inadapté hors d’une mégalopole. Hawksmoor est un super héros du vingt et unième siècle, qui n’aurait pas eu le moindre sens s’il avait été créé pendant l’âge d’or des comics, au milieu du XXème. Il répond à une problématique contemporaine et des peurs de notre époque. Mais plus que ça, il revendique une appartenance à un écosystème, un milieu, un mode de vie.

Les villes modernes nous étouffent autant qu’elles nous offrent tout ce dont nous pouvons avoir besoin. De leurs bon fonctionnement dépend aussi le nôtre. Un quartier laissé à l’abandon gangrène, des artères bouchées ralentissent le bon fonctionnement de l’ensemble et c’est un membre de l’organisme qui meurt à petit feu. Le tout est de savoir ouvrir les yeux, surveiller. Et agir.

Jack Hawksmoor n’est peut-être qu’un personnage de bande dessinée. Mais tous ses pouvoirs existent, ils sont simplement fractionnés en millions de petits morceaux. Et nous en possédons tous un.

COMIC STAGE !!!

Je ne crois pas que la mini série sur Jack soit dispo en français, mais tout le run d’Authority existe et commence par celui-ci. On parle là d’un truc culte qui a impacté durablement les comics depuis plus de dix ans. Cher mais très bon.

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[ Note de Philippe G. : Encore merci à Matthias, qui m’a d’ailleurs sympathiquement autorisé à reprendre un autre de ses billets… A suivre dans les prochains jours ! ]

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