Si l’auteur allemand Jens Harder commence à être reconnu par les amateur·trice·s de bande dessinée, il reste méconnu du grand public, malgré un prix de l’audace reçu lors du festival d’Angoulême en 2010. Gageons que sa dernière oeuvre en date publiée en français, Cités, sortie en août dernier aux Editions de l’An 2, lui fera gagner un public nouveau, amateur de sociologie et d’urbanisme. Car sa lecture des villes, en tant qu’artiste et non en tant que spécialiste du fait urbain, pourrait nous offrir un éclairage différent de nos pratiques citadines.
Carnet de voyage
Sous-titré “lieux vides / rues passantes”, Cités est une collection de dessins, strips, commentaires, historiettes, collectées par Harder depuis 1999. Les différents chapitres, chacuns focalisés sur l’observation d’une ville donnée, s’enchaînent sans logique chronologique ni géographique. Invité lors de nombreux événements internationaux pour présenter son travail, l’auteur nous emmène tour à tour à Beijing, Jérusalem, Novossibirsk, Bâle, Lima, Le Caire, Lucerne, Naples, Marseille, Lyon, Edimbourg, Montréal, Nantes et Berlin, sa ville de résidence. C’est là qu’il a commencé son travail de dessinateur, notamment en croquant les rues de la capitale allemande.
C’est donc bien d’une oeuvre d’art qu’il s’agit, et donc d’un point de vue d’artiste, avant d’être, au choix : un guide touristique, un traité d’architecture, un essai sur l’archéologie ou encore un commentaire sur les pratiques touristiques. Mais Cités est tout de même un peu de tout cela. Comme il l’explique dans l’ouvrage, l’auteur a toujours été fasciné par les villes. L’ouvrage traite donc des villes comme espaces de possibilités pour leurs habitant·e·s, mais aussi de compromis. En les décrivant comme personne extérieure – à l’exception de Berlin – Harder se concentre sur ce qu’elles sont à un moment donné, chargées de leur histoire, mais aussi, pourquoi pas, se projetant dans leur avenir, à partir des bribes de vie et d’urbanisme qu’il a su capter lors de ses visites.
Du micro vers le macro
Car Harder est d’abord connu pour son analyse encyclopédique des faits, comme il l’a démontré dans ses ouvrages Alpha et Beta, qui retracent respectivement l’histoire de la terre du Big Bang à l’apparition des premiers hominidés, puis l’histoire de l’aventure humaine, de ses balbutiements à nos jours. Dans chacun de ses ouvrages, il crée des passerelles cognitives entre observations scientifiques, cultures populaires, croyances, et faits historiques, générant un chaos organisé pour décrypter notre monde. On retrouve donc de cela dans Cités : en quelques dessins, l’auteur saisit une ville par le petit bout de la lorgnette, et fait dire à des détails de grandes choses sur les villes qu’il visite, ainsi que sur leurs habitant·e·s.
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