Vous avez abondamment étudié les modes de vie dans les milieux périurbains, et plus particulièrement les pratiques de déplacement. Quels sont les principaux enseignements de vos travaux ?
Le principal aspect que nous avons réussi à démontrer sur l’Ouest de la France, avec Laurent Cailly, François Madoré et Arnaud Gasnier, c’est la très grande diversité des modes d’habiter dans l’espace périurbain, entre repli sur le logement, insertion villageoise ou pratiques à l’échelle métropolitaine. C’est une certaine manière de rompre avec l’unicité du périurbain, ce qu’avait déjà démontré Martine Berger. Il s’agissait pour nous d’observer la diversité à la fois sociale et des manières de faire des périurbains. Nous avons démontré qu’il y a d’autres manières de vivre le périurbain que le “Pack Périurbain”, tel que l’avait auparavant baptisé Laurent Cailly, dans lequel l’utilisation de l’automobile est vraiment au cœur du quotidien, avec des boucles programmées. Nous avions également pu observer une émergence, ou plutôt une réémergence, du covoiturage dans les espaces de proximité, notamment autour des activités des enfants. Nous avions également remarqué une utilisation plus importante de la marche à pied et du vélo, de façon très locale, notamment pour les populations un peu “captives”, les jeunes enfants ou les mères de famille par exemple.
Dans nos travaux plus récents, on a constaté que ces nouvelles manières d’être mobiles touchaient aussi les mobilités domicile-travail, qui jusqu’à présent étaient très peu impactées. A force d’en parler, le covoiturage commence effectivement à progresser légèrement, à des fins professionnelles mais aussi pour aller dans la grande ville (pour faire ses courses, pratiquer des loisirs ou autres). La pratique du vélo se développe aussi mais est toutefois très disparate selon les territoires. Nous avons travaillé sur Tours, Grenoble et Aix-en-Provence. Il n’y avait pas du tout de développement de la pratique du vélo autour d’Aix, ou très peu, alors qu’on a une population plutôt jeune, avec beaucoup d’étudiants en particulier. Mais les conditions matérielles de la circulation (insécurité routière, absence de cohérence des aménagements), font que le vélo est très peu présent. En revanche, à Grenoble, la municipalité est très volontariste et ça marche même là où on ne l’attend pas. J’ai en tête un entretien assez extraordinaire d’ailleurs : la personne interrogée allait au travail en vélo, alors qu’elle habite sur les pentes du Massif de Belledonne. Elle argumentait en disant qu’elle fait du sport et que, plutôt que de faire une sortie spécifique juste après, elle fait son sport en même temps qu’en allant et revenant du travail. A Tours, la municipalité joue beaucoup moins, même si il y a des choses qui sont faites, et pourtant le vélo se développe assez fortement y compris dans des espaces périurbains qui peuvent être assez lointains.
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