« Des ruelles étroites de Double Dragon à l’espace quasi infini de Grand Theft Auto, l’imaginaire urbain a presque toujours été un décor incontournable du jeu vidéo. Du beat’em all repeint aux angoisses de l’Amérique post seventies en passant par l’open world et ses possibles, la ville est un terrain de jeu et le jeu un moyen de comprendre les villes. Telle est justement l’initiative du géographe Philippe Gargov et de ses acolytes de pop-up urbain, agence de conseil réfléchissant comme nulle autre les liens entre cité réelle et numérique. Entretien-fleuve entre architecture, urbanisme, politique, sociologie et level design.
En quoi le jeu vidéo permet-il de jeter un nouveau regard sur la ville et l’urbanisation ?
Philippe Gargov : La première façon dont on a abordé le jeu vidéo sur pop-up urbain, ce n’est à l’origine pas tant pour parler de sa spécificité. Plutôt, on s’est rendu compte que dans le milieu urbain, il y a beaucoup de personnes qui s’interrogent sur les imaginaires de la ville. De nombreux livres existent sur le cinéma, la littérature. Il y a des dizaines de thèses sur les représentations de la ville dans la poésie romantique, dans l’œuvre de Zola ou de Modiano. Tous les médias un peu classiques avaient une sorte d’éclairage urbain. Des résonances existaient. Mais il y en avait très peu sur le jeu vidéo quand j’ai lancé le blog en 2009. Parce que le jeu vidéo n’était pas considéré comme un médium sur lequel on peut s’interroger intellectuellement de manière générale, encore moins dans le domaine urbain, où on est confronté à une situation générationnelle qui fait que la culture vidéoludique y est très faible. »