Ci-dessous, la version complète de l’entretien effectué pour Dynacité, bailleur social de la région de l’Ain avec qui nous avons eu le plaisir de collaborer. L’interview suivante fut à l’origine publiée dans Dynactualités N°85, journal des collaborateurs de Dynacité.
1) L’habitat de demain sera-t-il un habitat connecté? Que recouvre cette notion?
En réalité, l’habitat est déjà connecté… mais cela est devenu si commun que l’on ne s’en rend pas forcément compte. Avec tous les terminaux personnels qui « co-habitent » dans un domicile, du smartphone à la télé connectée en passant par la console de salon ou la brosse à dent connectée, l’habitat est devenu l’un des environnements les plus équipés en technologies. Toutefois, il est intéressant de constater que l’abondance de ces technologies se démarque d’une vision plus ancienne de l’habitat connecté, portée par les grands mythes de la domotique depuis les années 70 (à l’image du célèbre « frigo intelligent » qui n’a jamais trouvé la voie du succès). En grossissant le trait, on peut dire la domotique consiste à installer foultitudes de technologies dans un domicile pour le « gérer » plus efficacement (systèmes d’ouvertures automatiques, contrôles de la température, etc.) Une belle idée sur le papier… sauf que l’on se rend compte aujourd’hui que la plupart de ces services, qui impliquaient autrefois l’installation d’appareils coûteux, peuvent aujourd’hui être réalisés grâce à une simple application sur smartphone. Par exemple, il est possible de « monitorer » sa consommation énergétique en installant des plug-ins assez peu coûteux sur ses prises électriques, même si cela reste évidemment balbutiant. Avec l’émergence de l’Internet des Objets, l’habitat connecté va devenir une réalité prosaïque dont le coeur sera la couche servicielle fournie par des applications accessibles sur smartphones et tablettes, et non la technologie elle-même. Pour reprendre une analogie, un frigo pourra devenir « intelligent » avec quelques bidouillages, sans qu’il n’y ait besoin d’en acheter un nouveau ! Il n’est d’ailleurs pas étonnant que quelques grands opérateurs tels que Google ou même Amazon investissent depuis quelques années dans cette domotique « nouvelle génération »…
2) Les bailleurs devront-ils développer de nouveaux services en lien avec le numérique?
La question n’est pas tant de savoir s’ils « devront », mais plutôt ce qu’ils « pourront » faire. Si l’on suit la logique entamée ci-dessus, la technologie est finalement moins importante que les usages qui seront fait… et du même coup potentiellement plus accessible pour un bailleur, mais aussi pour n’importe quel autre acteur qui voudra s’y immiscer. Cela signifie que l’habitat va devenir un véritable « marché », avec de faibles barrières à l’entrée, dans lequel le bailleur se retrouvera en concurrence avec des acteurs issus d’univers différents : énergie, télécoms, médias, et des start-ups dont je serais bien incapable de prédire aujourd’hui le secteur d’origine ! Autrement dit, il y a tout à faire… et si ce ne sont pas les bailleurs qui le font, d’autres s’en chargeront. Cela ne veut pas dire, pour autant, que les bailleurs sont « dos au mur » et qu’ils doivent absolument faire quelque chose. Après tout, il faut aussi connaître son coeur de métier, savoir là où l’on est légitime… et là où on ne l’est pas. Se lancer dans l’habitat connecté ouvrira assurément certaines portes, c’est évident et plutôt prometteur – mais cela peut comporter des risques, surtout si cela part de l’idée que les bailleurs sont « obligés » de le faire. Pour reprendre une analogie d’actualité, les taxis n’avaient pas forcément vocation à « devenir » Uber à la place d’Uber… par contre, ils auraient dû anticiper l’émergence de ces nouveaux concurrents, et proposer une offre de service suffisamment satisfaisante pour garder leurs clientèle… Je ne sais pas trop si la métaphore est claire, mais disons que les bailleurs ne sont pas dos au mur sur la question de l’habitat connecté : en revanche, il ne faut pas qu’ils se retrouvent submergés, et cela implique de mieux comprendre la question du numérique, et pourquoi pas de mettre les mains dans le cambouis si l’occasion s’y prête..!
3) Y a-t-il un risque qu’internet remplace la relation client en « face-à-face »?
Revenons quelques années en arrière, avec une autre analogie inspirée par un secteur pas si éloigné, quand le e-commerce a commencé à pointer le bout de son nez. A l’époque, on prophétisait purement et simplement la mort du commerce de proximité, à coup de discours péremptoires, d’ailleurs portés tant par les acteurs du commerces que par les « gourous » du numérique. Au final, qu’en est-il aujourd’hui ? Le numérique a fait émerger de nouveaux modèles, et l’heure est à « l’hybridation » des usages (*) : les commerces physiques intègrent le numérique de multiples façons, et les acteurs du e-commerces développent eux-mêmes des partenariats avec des commerces de proximité pour assurer la livraison de leurs produits. C’est par exemple le cas des « consignes » Amazon, installées dans des supérettes aux Etats-Unis et ailleurs. Bref, on se rend bien compte que, dans ce secteur a priori très « menacé », le numérique n’a pas tué le face-à-face : il a juste fait bouger le curseur de la relation-client, en faisant émerger de nouveaux modèles, de nouvelles formes d’engagement et d’interactions, et pourquoi jusqu’au dialogue avec le collaboratif. Il en va de même pour l’habitat : je pense qu’il ne faut pas voir Internet et le numérique comme un risque de « remplacement » du physique, mais plutôt comme l’occasion de repenser les contours de cette relation !
(*) Sur le sujet: http://www.