[ Avant-propos : « Vivre en ville et vivre en livres » : pas facile à dire, n’est-ce pas ? Heureusement qu’URBAN AFTER ALL et surtout Nicolas, expert ès médias géolocalisés, sont là pour nous aider ! A relier au dernier billet de Matthias sur la lecture numérique dans le métro. Le lien original est à lire ici, et vous pouvez aussi nous suivre sur facebook.]
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En ce printemps de salons du livre multiples, les eBooks sont sur toutes les lèvres, on assiste à l’évolution progressive des projets de liseuses mais aussi des perspectives ouvertes par le numérique. Mais bien souvent c’est souvent la même rengaine que l’on entend. Or la géolocalisation, notamment dans un contexte urbain, est l’une de ces technologies qui ouvre la voie à d’autres usages.
Il s’agit au fond de prendre ces opportunités comme un moyen de dépasser le modèle actuel de “livre numérique” bien souvent compris comme banale transposition d’un contenu existant d’un support (papier) vers un autre (numérique).
Comment cela pourrait-il se traduire ? Que se passe-t-il lorsque l’on croise géolocalisation et lecture numérique ?
Géolocalisation et livre numérique WTF?!
Dans la panoplie des technologies qui font la “ville numérique” aujourd’hui, la géolocalisation tient une place de plus en plus prépondérante. L’utilisation principale de celle-ci tourne évidemment autour du guidage et du calcul d’itinéraire en voiture, en transports en commun ou à pied. Plus récemment les applications sur mobile ont débouchées sur des pratiques communautaires avec des fonctionnalités de notification de présence, de rencontre, de jeu type ARG ou encore de partage de messages attachés dans des lieux spécifiques.
Les services plus anciens et plus connus tels que Foursquare éclipsent évidemment la flopée de tentatives dans d’autres domaines. Et notamment chez les chercheurs, designers et entrepreneurs qui s’intéressent à la géolocalisation comme moyen de recombiner les possibilités d’édition de contenus. Cette perspective de livre numérique dite “homothétique” ne tire finalement guère parti des possibilités offertes par les technologies en question… et le géopositionnement est justement un moyen de proposer des expériences de lecture originales.
Au récent Salon du livre de Genève, lors d’une journée consacrée au futur de la lecture, un des intervenants, Alessandro Catania a ainsi donné un tour d’horizon des nouvelles expériences de lecture et de mise en valeur de contenus en insistant sur les opportunités pour l’édition.
De la géolocalisation d’extraits littéraires au guide touristique
Sa présentation détaillait l’éventail des possibilités suivant l’intégration des moyens de géolocaliser le lecteur ou les contenus. Pour lui, le degré zéro de ce courant consiste à proposer des visualisations sous la forme de carte indiquant où les histoires racontées dans certains livres se déroulent. Des services permettent ainsi aux utilisateurs d’attacher une courte fiche de lecture à des villes dans lesquels l’histoire a lieu. L’idée est alors de proposer une forme de recherche nouvelle basée sur l’espace : la lectrice potentielle peut ainsi naviguer sur une carte et choisir quel roman aborder suivant l’endroit qui l’intéresse. Malheureusement, une telle approche est pauvre car le lien entre lecteur, contenu et lieu est très ténu comme le soulignait Catania dans son intervention.
Une approche plus dynamique car liée à la mobilité consiste à proposer des guides touristiques géolocalisés. Avec ce type de service, l’utilisateur-lecteur se déplace dans la ville et des contenus textuels ou visuels apparaissent au gré de ses pérégrinations. Anecdotes sur le lieu, fragment poétiques ou renvois historiques sont ainsi mis en avant. Une forme d’éditorialisation apparait ici puisqu’il est courant dans ces projets de proposer différents parcours urbains relevant de thématiques spécifiques et cohérentes. Malheureusement, le résultat est souvent limité et finalement il s’agit plus du pendant culturel des projets de marketing géolocalisé (publicités ou bons de réduction géolocalisé) que d’une expérience de lecture très originale.
Vers des expériences de lecture “situées”?
Pourtant, comme le rappelait Catania au Salon du Livre de Genève, nous avons tous des expériences de “lecture située” intéressantes. Se rendre compte que les douloureuses retrouvailles mentionnées dans le roman se déroulent dans le bar marseillais dans lequel on est assis ou découvrir un monument Romain décrit dans un livre pour mieux l’apprécier sont des exemples possibles. De même, des auteurs sont irrémédiablement liés à des environnements urbains spécifiques (James Joyce/Dublin, Allen Ginsberg/San Francisco, etc). Il devrait donc y avoir des scénarios d’usages pertinents et qui enrichissent réciproquement lecture et visite d’un lieu. Quelques pistes se dessinent.
Pensons par exemple à iBookmark. Dans ce projet de recherche, les auteurs créent des histoires pouvant varier selon la localisation du lecteur accédant au contenu sur une liseuse équipée d’un GPS. Le récit s’adapte alors aux parcours de la personne : les noms de lieux ou de monuments décrits dans l’ouvrage sont ainsi modifiés en fonction des endroits visités.
Dans un registre plus ludique, des jeux en réalité alternée ont été réalisées en partenariat avec des éditeurs de romans. Et cela, afin de renouveler l’expérience de lecture avec une composante “contextuelle” interactive. C’est le cas du projet wetellstories de Penguin Books :
Une histoire secrète est cachée quelque part sur l’internet, un compte mystérieux avec une fille qui vous est vaguement familière et qui a l’habitude de se perdre. Les lecteurs suivant son histoire vont découvrir des indices qui vont influencer son voyage et l’aider en cours de route. Ces indices vont apparaitre en ligne et dans le monde réel pour diriger les lecteur vers d’autres histoires.
Un nouveau gadget ou une interactivité pertinente ?
Les exemples décrits ici témoignent du caractère balbutiant des propositions. Dans plusieurs cas, la valeur ajoutée pour le lecteur reste faible mais ces approches doivent être considérées comme des tentatives d’explorer les possibles. Il y aurait bien plus à explorer en croisant cartes, romans, affiches, journaux dans des expériences oulipiennes géolocalisées !
A mon sens, ce qui se cache derrière ces premiers exemples, c’est une nouvelle manière de découvrir la ville en hybridant un espace physique (les lieux) et virtuels (des histoires, des fictions) pour produire ni plus ni moins que des “légendes urbaines”… On pourrait d’ailleurs imaginer un service qui permettrait de rédiger un texte automatique par son propre déplacement dans l’espace urbain. Une tel principe existe pour le cinéma avec le projet Walking the Edit qui serait potentiellement transposables aux contenus textuels…