L’invasion massive de petites bêtes surnaturelles et fatalement mignonnes dans nos espaces (publics et privés) n’a pas manqué de stimuler une bonne partie des citadins et ruraux du globe ces dernières semaines. La sortie du jeu vidéo géolocalisé en réalité augmentée sur smartphone Pokémon Go révolutionne ainsi à sa manière notre appréhension de l’espace urbain, que ce soit en termes de déplacements, de convivialités ou de gouvernance spatiale et juridique… Puisque nous considérons cette concrétisation de la rencontre des mondes « virtuel »/physique, imaginaire/quotidien comme une sorte d’apogée contemporaine des villes ludique et hybride que nous attendions depuis un millénaire au moins, c’était l’occasion de faire un petit point annexe à ces problématiques dans le dossier du mois !
En effet, cela fait depuis la création du blog que nous tentons d’observer toutes les manières dont se croisent pop-culture et vie urbaine au sens très large. Et l’un des vernis les plus efficaces empruntés à cette culture pop nous vient tout droit de l’archipel nippon. Berceau d’une prolifique production imaginaire et marchande, arrosant de ses codes et symboles les réalisations culturelles du monde entier, le Japon nourrit sans conteste nos réflexions prospectives sur l’univers urbain de diverses manières. Dans ce cadre, c’est sur l’un des fers de lance de ces foisonnants signes créés là-bas que portent les archives d’articles qui suivent.
Kawaii ou « mignon » en français (le mot est lancé) est à la fois une notion et un véritable phénomène de société qui sévit au Japon depuis des décennies et que l’on retrouve à coup sûr par touches, anecdotes ou véritables stratégies au coeur des problématiques urbaines. Représentation esthétique autant que concept marketing, le kawaii enrobe toutes les strates de la société japonaise, de la communication des compagnies privées de transport au marketing territorial des zones sinistrées post-mars 2011…
Et dans l’éventail étendu des figures kawaii que la société japonaise a créé, les Pokémon tiennent l’une des places les plus notables. Exportés internationalement sous des formats multiples depuis les années 1990, ces créatures imaginaires à collectionner et chouchouter représentent une source inépuisable d’analyses symboliques et de tendances remarquables. La ville n’est donc pas épargnée, et notre oeil prospectif a depuis longtemps la bande à Pikachu dans le viseur…