L’émission à ne pas manquer
Si vous manquez en ce moment d’un programme TV à la fois léger, drôle, instructif, émouvant et avec un suspens à couper le souffle, on a ce qu’il faut pour vous. Oubliez les dernières séries Marvel ou les grandes fresques historiques anglaises pour vous ruer immédiatement sur ces courts épisodes de 15 minutes. Au premier abord, le format « téléréalité japonaise » peut effrayer les novices mais accrochez-vous car le contenu vous fera forcément craquer. L’émission « Comme les Grands », arrivée sur Netflix il y a quelques semaines, tient le meilleur des pitch : filmer des enfants parfois très jeunes (2,3 ans minimum) pendant une mission de courses en toute indépendance dans la ville. C’est un défi qui paraît insurmontable dans nos villes occidentales : lâcher seul son tout petit môme dans la jungle urbaine.
Il y a quelques années, une carte montrant les distances parcourues à pied par les enfants des générations de nos grand-parents avait fait le tour des réseaux sociaux. Le support visuel montrait explicitement le rétrécissement des km effectués seuls au fil des décennies. Cette émission japonaise remet implicitement ces questions sur le tapis et vous fera forcément réfléchir au rapport que nous entretenons aujourd’hui avec l’espace urbain depuis notre plus tendre enfance jusqu’à devenir parents à plein temps.
Demanderiez-vous à votre môme de 2,3 ans d'aller faire les courses à votre place lorsque la flemme vous gagne ? A Paris, impossible (les cyclistes roulent trop vite). Au Japon, en revanche, la relève urbanos est déjà là (et c'est ultra drôle et touchant):https://t.co/vB0JfOSjzr pic.twitter.com/BspK5Ye8Tq
— [pop-up] urbain (@popupurbain) April 27, 2022
Si ces enjeux de la place faites aux enfants dans nos villes vous intéressent, ce passionnant article de Slate, décryptant l’émission « Comme les Grands », donne les clés de lecture sociétale et urbanistique qui permettent de comprendre pourquoi et comment de tels usages sont possibles au Japon, contrairement à chez nous.
Le documentaire à ne pas manquer
Découvert dans le cadre du dernier cycle thématique programmé par le Forum des Images à Paris (le bien nommé « Ça va faire MALL – Le cinéma des grandes surfaces : utopie et destruction »), le documentaire Jasper Mall (2020) est une pépite que l’on vous conseille de voir aussi tôt que possible. Réalisé par Bradford Thomason and Brett Whitcomb, ce film documentaire relate la vie quotidienne d’un centre commercial en perte de vitesse (« a dying mall« , on peut le dire clairement) à Jasper en Alabama (15 000 habitants à peu près). Durant 85 minutes, on suit principalement Mike, un ancien gardien de zoo passionné devenu superintendant du mall. Il nous emmène dans les coulisses de cet immense théâtre quasi vide où errent encore quelques commerçants prêts à mettre la clé sous la porte et une poignée d’habitués, âmes errantes en quête des convivialités d’antan.
Ouvert en 1981, ce temple de la consommation à l’ancienne (les briquettes marron des aménagements et la déco méga vintage ne trompent pas) de 32 000 m2 de plancher dédiés aux commerces a visiblement fait son temps au moment du tournage, en 2018. Alors que les images cultes des dead malls américains nous avaient déjà habitués aux images impressionnantes de parkings stériles post-apocalyptiques*, Jasper Mall remet de la vie (une vie fragile et dissipée, certes) derrière ces vacances commerciales. Ici, les promenades matinales des seniors se font dans ce labyrinthe aux lumières artificielles plutôt qu’au parc. Encore plus étonnant : un couple de jeunes étudiants continue même de venir en date dans ce shopping center aux allures d’EHPAD.
*Anecdote marrante d’ailleurs : sur la page Wikipédia de la ville de Jasper, on apprend que la ville était avant ça connue pour le show télévisuel « Town of the leaving dead » (2014), une série documentaire suivant le tournage local d’un film de zombies avec les habitants de la ville. Zombies et mall abandonné font toujours bon ménage, n’en déplaise à George Romero.
Le livre à ne pas manquer
-« ‘The Quarantine Atlas’ Maps How 65 Lives Turned Upside Down« , Bloomberg Citylab, 2022
Vous aviez peut-être suivi comme nous, l’initiative lancée courant 2020 par le magazine Bloomberg Citylab sur les cartes mentales de notre quotidien pendant le Covid 19. Après un appel à contributions lancé auprès de leurs lectrices et lecteurs, Bloomberg Citylab a publié une multitude de map réalisées à la main et représentant le quartier, le pâté de maison, la zone de promenade quotidienne autorisée pendant les différents confinements. Ces esquisses de territoires intimes, bouleversés par la panémie et les restrictions gouvernementales, sont fascinantes à regarder et à décrypter, c’est pourquoi Bloomberg Citylab a poursuivi sa démarche avec un très beau bouquin dédié. Dans cet Atlas de la quarantaine, 65 cartes sont compilées, accompagnées des histoires humaines liées à ces tracés de mondes personnalisés. A voir si on attend la traduction française pour craquer.