Erotic City
If we cannot make babies
Maybe we can make some time
Fuck so pretty, U and me
Erotic City come alive
La ville érotique prend vie, chantait Prince en 1989. Malheureusement, près de 20 ans plus tard, force est de constater que la ville érotique peine à jouir de tout son potentiel. Nous en avions déjà parlé, dans un article en forme de manifeste, plaidant pour l’introduction d’une nouvelle discipline dans la fabrique de la ville : la masturbanité, ou le « réenchantement de l’espace urbain grâce à la valorisation de l’érotisme inhérent à la ville » (cf. Glossaire).
Une ambition que l’on jugera louable ou critiquable, mais qui a le mérite de faire débat. La masturbanité s’impose ainsi, avec la thanatopraxie ou d’autres imaginaires à (ré)inventer, comme un « objet de controverse » susceptible de stimuler la créativité urbaine. Et logiquement, quand le sujet arrive sur la table, une question revient toujours : « Pourquoi ?« . Question légitime, évidemment, à laquelle je ne peux que répondre : « Et pourquoi pas ? »
Face à la panne d’imaginaire qui frappe la prospective urbaines, l’exploration de telles « terrae incognitae » peut faire sens, et servir de déclic à d’autres morphologies urbaines… (cf. la triforce de la ville astucieuse)
Après tout, la ville a été conçue et façonnée en fonction de certains besoins/intérêts considérés comme prioritaires : se loger, travailler, consommer… mais jamais n’a été véritablement pensée la question du sexe, du désir sexuel et de son assouvissement libidineux.
« la force séminale de Microtokyo forever ! Charpennes, Villeurbanne »
Pire encore, la pudibonderie des décideurs s’active aujourd’hui pour repousser le sexe hors-la-ville, sous couvert de morale réactionnaire qui passe, entre autres, par l’éviction de la prostitution vers les périphéries. Et même quand les acteurs urbains « acceptent » la prostitution intra-muros, c’est principalement pour augmenter les caisses de la collectivités, comme avec ce scandaleux « parcmètre pour prostitué.e.s » à Bonn…
“Le sexe, bien qu’étant l’un des besoins les plus évidents de l’Homme, n’a quasiment jamais été problématisé dans la construction de nos villes. En termes politiques, cela signifie que nous essayons de trouver comment les ville peuvent être plus performantes, en comprenant et en exploitant le regard que nous portons sur la sexualité, en constante évolution.
[…] Cela signifie aussi qu’une autre manière de composer nos villes est nécessaire. En poussant la réflexion à l’extrême, nous pourrions même avoir besoin d’espaces érotisés. Sur ce point, les acteurs urbains se montrent profondément pudibonds.”
Inutile de dire que je souscris pleinement à cette ambition, qui m’apparaît d’autant plus nécessaire que la ville est par essence LE lieu de la rencontre amoureuse. La ville est une place de marché de l’amour, disait encore The Pop-Up City. Moins pécuniaire et plus poétique, le blogueur Gonzo décrit avec une tendresse communicative l’importance du désir charnel dans la pratique de la cité :
« Pourtant, les rencontres arrivent, en permanence — à distance le temps d’un regard. C’est le concept de passion fulgurante ou l’amour instantané. Dans le métro, dans la rue, au feu rouge ; elle s’exprime une seconde pendant laquelle tout se fige, les passants n’existent plus, la vie est suspendue, au loin un chevreuil reste immobile.
[…] Je me balade dans la ville, j’avance, je tombe amoureux tous les 100 mètres, c’est très plaisant même si ça ne dure que le temps d’un coup de vent. Des petites explosions cérébrales, on se croise, on s’aime (même si c’est à sens unique), on se sépare, on a vécu l’instant d’un regard et ça fait comme des petites bulles qui pétillent dans ma tête, une coupe de champagne pour la route. »
Tout le problème vient justement de cette tension permanente provoquée par cette ville qui, d’un côté, éveille nos sens avec excitation, et de l’autre nous interdit formellement de les satisfaire… Une source de frustration nuisible à l’épanouissement des citadins, quand on devrait au contraire tenter de rendre la ville plus propice aux partages, y compris sexuels.
Fort heureusement, l’idée commence à faire son chemin ; j’en veux pour preuve cet excellent article de Claire Nelson, paru dans Model D pour la Saint-Valentin (partagé par le beau @MalletP). Le fait qu’il s’agisse d’un webzine détroitien n’est d’ailleurs pas anodin : la ville connaît une crise économique sans précédent au point de prendre des allures de ville-fantôme. Dès lors, le réenchantement de ses urbanités devient une nécessité plus que vitale, et la « masturbanisation » (puisque c’est ce dont il s’agit) un électro-choc suffisamment puissant pour rendre la ville plus attractive – et donc, in fine, redynamiser son économie.
Pour ces raisons, vous trouverez ci-dessous une reproduction de l’article, ou du moins les extraits significatifs. Vous y retrouverez d’ailleurs beaucoup de choses évoquées dans l’introduction ci-dessus, qui fera donc office de commentaire. Objectif : mutualiser les trop rares ressources sur le sujet.
En espérant que cette brève recontextualisation du sujet, complétée par cet excellent article, saura faire des émules auprès des décideurs… et que la « ville sexy » ne restera pas qu’un beau slogan de marketing territorial, mais s’épanouira enfin dans des politiques réelles de développement urbain. Bonne lecture !
What are we really talking about when we talk about making Detroit a more vibrant city?
What we’re really talking about is sex. Or, in other words, creating the right conditions for people to hook-up. I mean this both literally and figuratively.
Some cities really get this — and they set the stage to turn you on and hook you up. You can feel it in their urban design, you can smell it in the air. This is why investing in quality spaces is smart civic policy. An enticing public realm invites human interaction, which in turn produces collaboration and innovation. It’s kind of like lighting candles and queuing up Marvin Gaye — it helps set the mood for more. […]
So what does this mean? What makes a city sexy?
Vitality
Sexiness begins with inner confidence and energy — and a sexy city expresses this with a sort of cultural attitude. Do we have a sense of discovery and adventure? Even if some among us are content and settled, are we cool with others being liberated to take risks and try new things? Some find this freedom unsettling, others find it life-affirming. I think an open and vivacious city is sexy.Density
In a sexy city, people share space and find pleasure in proximity. We should all brush up against a stranger once in awhile, as uncomfortable as we fear this might be. Here in Michigan, we have a really bad habit of making spaces too big and wide so we never, ever have to touch each other. We’ve gotta stop that — god bless small businesses for leading the charge. Touching is sexy. Intimacy is sexy. And listen, if the intensity of crowds and noise becomes just too much to bear, that can work in your favor. Some of life’s sexiest encounters begin with those five lovely words: « Let’s get out of here… » Escaping out the back door is sexy.
Multiplicity
Jane Jacobs once said, « The point of cities is multiplicity of choice. » I’m pretty sure she meant having a diverse array of cultural offerings on a Friday night, but let’s be real. There’s a reason twenty-somethings flock to urban centers, and it’s not just the high concentration of job prospects or easy access to obscure French films — it’s the wide array of possible future lovers. Yes, some people even choose to live in teeny-tiny studio apartments so they can spend their disposable income living in public, hanging out at coffee shops and bars, where their chances of meeting a kindrid spirit are higher. Options and opportunity are sexy.Mystery
You know how some people say Detroit is like a small town? Yeah, this doesn’t really help us in the sexiness department. A certain degree of familiarity is nice for building a strong sense of community, but some measure of anonymity is needed for a sexy city. Ask any of my single friends, and they’ll tell you: A bar where everyone knows your name is lovely sometimes — but not all the time. Part of the allure of cities is the possibility of a new introduction, a chance encounter, a serendipitous meeting — you know, a little surprise and mystery that quicken the pulse. Musician David Byrne suggests « a little touch of chaos and danger » as an important element of a great city — and I bet most musicians, artists and writers would agree. The thrill of the unexpected is sexy.Beauty
Beauty is the best aphrodisiac, and Detroit has come a long way in embracing this. When we think of romantic places, we often think of natural beauty (flowing waters, lush gardens) or man-made beauty (great works of architecture) — in other words, scenic locations that heighten our senses. As Kaid Benfield writes, « Love can happen anywhere, anytime — but the odds are much higher in nature or in a walkable city neighborhood (or both at the same time!) than in sprawl, or while driving in traffic. »
Moralité ? Masturbanisons la ville !