Le principe des films Fast & Furious est relativement simple : un groupe de marginaux fous du volants menés par Dominic Toretto, mène des actions parfois légales (mais souvent illégales) pour faire, globalement, le bien. Les films mettent en avant deux leitmotivs : l’être humain est libre par nature, et la famille1 est ce qu’il y a de plus important.
La saga a commencé avec des films surtout dédiés aux courses de rues en voitures, avant d’évoluer dans différents genres : film d’espionnage, de braquage, de superhéros… A l’heure où nous écrivons ces lignes, la saga compte huit films principaux, ainsi que deux courts-métrages (Turbo-Charged Prelude et Los Bandoleros), un spin-off intitulé Hobbs & Shaw et une série animée, Spy Racers. Notons enfin que la chronologie de Fast & Furious peut sembler confuse au premier abord, puisque les événements ne se déroulent pas forcément dans l’ordre de sortie des films. Pour profiter d’une chronologie cohérente2, le bon ordre de visionnage est le suivant : Fast and Furious (2001), Turbo-Charged Prelude (2003), 2 Fast 2 Furious (2003), Los Bandoleros (2009), Fast and Furious 4 (2009), Fast and Furious 5 (2011), Fast and Furious 6 (2013), Fast and Furious: Tokyo Drift (2006), Fast and Furious 7 (2015), Fast and Furious 8 (2017) et enfin Hobbs and Shaw (2019). Bon visionnage !
La chronologie de Fast & Furious : une illustration, dans 2 Fast 2 Furious (2003)
Bouger sans contrainte
On l’aura compris, la voiture est l’élément moteur des films de la franchise. Car on conduit énormément, dans Fast & Furious. On drive pour la gloire, notamment lors de grands raouts à la Race Wars – mis en scène dans Fast and Furious et Fast and Furious 7 – où l’on affronte d’autres pilotes. On pilote pour l’argent, comme Brian au début de 2 Fast 2 Furious. On roule vite pour voler de la marchandise, qu’il s’agisse de matériel électronique (Fast and Furious) ou de carburant (Fast & Furious 4). On fait le coq au volant pour épater les filles, dans Fast & Furious: Tokyo Drift. Mais surtout, on conduit pour régler ses comptes, qu’il s’agisse d’affrontement “à la loyale”, ou bien de courses poursuites effrénées.
Le donut de l’amour, dans Fast & Furious: Tokyo Drift (2006)
Mais on ne conduit pas que des voitures dans Fast & Furious. On se déplace en moto, en camion, en mini-van, en char d’assault, en hélico, en jet privé, en avion, en jet-ski, en moto-neige, en bateau, en train, en bus, en métro, et même en sous-marin. Seuls moyens de transport qui manquent à l’appel : les mobilités douces. Il faudra vous lever tôt pour apercevoir Dominic Toretto à pied, et vous ne le verrez jamais à vélo ou à trottinette.
Fast and Furious movies VS reality
Si la course automobile est omniprésente, c’est d’abord parce que le premier film se déroule à Los Angeles, ville où la bagnole est reine. Dominic, fils de pilote de course, a toujours eu la tête dans les moteurs. La voiture c’est sa vie. Comme il le dit dès le premier film, il ne vit qu’un quart de mile3 à la fois ; pendant ces 10 secondes (ou moins), il est véritablement libre. Cette liberté n’est cependant pas sans risque, puisque les accidents sont nombreux dans les films de la franchise.
Ah oui, Crash de David Cronenberg (1996), j’connais
Mais qu’importe : de la même manière que le moteur dans lequel on injecte le N2O s’anime différemment, le ou la pilote derrière le volant aura eu droit à sa montée d’adrénaline.
« Vous verrez du pays », qu’ils disaient
Cependant, si Los Angeles est la ville où l’on revient le plus dans les films – c’est là que se trouve la maison de Dominic, centre névralgique de ses opérations (et des réunions de famille) – elle est loin d’être la seule métropole visitée par l’équipe de choc. Après LA, c’est Londres qui a le droit aux plus nombreuses occurrences. Puis viennent Moscou et Berlin. Enfin, Rio de Janeiro, Tokyo, Miami, Panama City, Tenerife, Abu Dhabi, La Havane et les îles Samoa ont ponctuellement accueilli les bolides de Toretto et compagnie. A l’exception de l’Afrique, tous les continents ont donc été visités par la fine équipe.
Course-poursuite dans un tunnel londonien, dans Fast & Furious 6 (2013)
Plusieurs raisons à cela : d’une part, ça change l’atmosphère des différentes scènes. On a droit à de la forêt, à de la montagne, à du désert, de la mer, de la banquise… de quoi varier les plaisirs. Et donc varier les modes de déplacement. Car il serait bien compliqué en effet de se déplacer en moto-neige à LA.
C’est aussi l’occasion de diversifier les décors urbains en montrant des styles urbanistiques et architecturaux composites. On retrouve, dans la saga Fast and Furious, des bâtiments brutalistes en béton dont raffolent les films d’action américains depuis une vingtaine d’années, les désormais traditionnelles tours de verre et d’acier sorties du désert émirati, mais également les rues pavées anglaises ou les favelas brésiliennes.
« Devine d’où je t’appelle ? », dans Hobbs & Shaw (2019)
Et ces différences culturelles permettent également d’aborder certaines nuances de pilotage. Car on ne fait pas la course de la même façon partout ! Le meilleur exemple est le drifting, que l’on découvre dans le bien nommé Fast & Furious: Tokyo Drift. Il s’agit d’un pilotage tout en contrôle et en dérapage : sont analysées les trajectoires, la vitesse et l’esthétique globale de la performance des conducteurs. On est bien loin des courses sur 400 mètres où seule la puissance compte.
Or, cette technique de pilotage est née au Japon. Aurait-elle pu naître ailleurs ? Pas si sûr. Car là où les Etats-Unis sont riches de routes rectilignes et d’autoroutes intra-urbaines, le Japon, pays plus ancien et très montagneux, a dû adapter ses voies aux contours de sa géographie physique. Ainsi, l’archipel est parcouru par de nombreuses artères sinueuses, sur lesquelles on peut s’amuser à déraper. En outre, le Japon a connu après guerre une industrie automobile florissante, mettant à disposition des amateurs de gomme brûlée les véhicules et pièces nécessaires pour améliorer leurs performances.
Course de drift au pied du torii, dans Fast & Furious: Tokyo Drift (2006)
Enfin, ces voyages permettent d’exposer les personnages à des défis multiples. Car où trouver des bases militaires nucléaires croulantes dans la région de Los Angeles ? Allons plutôt dans l’ancien bloc soviétique pour ça. D’ailleurs, cet ancien bloc soviétique regorge de scientifiques prêts à tout se faire de la maille, y compris modifier des armes abandonnées pour les transformer en technologies terrifiantes et dangereuses (et ainsi disrupter la ville entière).
Interroger la ville de demain
Après des débuts relativement humbles et plutôt analogiques, les véhicules des films Fast & Furious ainsi que leurs environnements sont devenus de plus en plus numériques. Entre électronique embarquée, guidage satellite, reconnaissance faciale ou armes EMP, les voitures de Toretto, de ses amis et de ses ennemis se sont sophistiquées au fil du temps.
We’re gonna party like it’s 1999, dans Fast & Furious (2001)
De fait, les films Fast & Furious sont des produits de leur temps, et on ne peut s’empêcher de sourire en voyant certaines vieilles technologies apparaître dans les premiers opus4. Cependant, en se détachant d’une forme de réalisme qui l’habitait jusqu’à Fast & Furious: Tokyo Drift, et en se rapprochant toujours un peu plus d’un jeu vidéo, la licence anticipe5 et pose quelques questions intéressantes sur la smart city.
Non, vous ne regardez pas Tron, mais Fast & Furious 4 (2009)
Ces questions sont d’abord soulevées par l’omniprésence de la surveillance vidéo, dès Fast & Furious 4. Au gré des films, les caméras, mais aussi les GPS, les radars 3D et au final n’importe quel outil servant à communiquer va devenir tantôt un atout, tantôt une contrainte pour les protagonistes. Evoluant tout de même dans son époque, la licence a ainsi intégré au fil du temps la question du cyberterrorisme. Il se matérialise dans Fast & Furious 7, où l’enjeu du film est de récupérer un programme informatique capable de retrouver n’importe qui sur Terre. Idem dans Fast & Furious 8 avec l’intrigante Cipher, qui prend le contrôle de nombreux véhicules dans New York, faisant pleuvoir les voitures sur le cortège accompagnant le ministre de la Défense russe.
It’s raining cars, alleluia, dans Fast & Furious 8 (2017) – On en parlait plus longuement sur le blog il y a quelques temps
De son côté, Hobbs & Shaw dépasse le grand guignol en introduisant le méchant Brixton, personnage augmenté génétiquement et technologiquement, dont les pupilles peuvent indiquer en direct le chemin le plus rapide, ou anticiper les coups de ses adversaires. D’ailleurs, la seule façon qu’auront les héros pour battre cet être surhumain sera d’utiliser des technologies moins évoluées, que leur antagoniste aura du mal à comprendre (parce qu’imprévisibles !). Ce que veut nous dire in fine Fast & Furious, c’est que la technologie peut être amusante quand il s’agit de faire rouler très vite des voitures, mais que mise entre de mauvaises mains, elle peut rendre la ville plus compliquée et surtout mettre en danger les habitants. Or, parmi ces gens, il y a la famille. Et si on s’en prend à sa famille, Dominic Toretto n’est pas content.
Si certain·e·s voient les films tirés de la licence Fast & Furious comme des films décérébrés, ils n’en restent pas moins des divertissements de qualité. Et lorsque l’on creuse un peu, on voit bien qu’ils captent l’air du temps de certains enjeux urbains cruciaux. D’ici que Toretto et ses potos se mettent à drifter comme des sourds en trottinettes électriques, on devra peut-être attendre que des parodies de fans intègrent la chronologie officielle… En attendant, on trépigne d’impatience avant la sortie du dernier opus, qui s’annonce déjà lourd en cascades urbaines.
- Il peut évidemment s’agir de famille au sens strictement généalogique du terme, avec des fratries et des liens parents-enfants dispersés tout au long de la saga, mais aussi de la famille spirituelle (Dominic est résolument catholique) ou de famille d’esprit (les différents groupes d’amis qui se constituent au fil des films). [↩]
- Cela entraîne des incohérences physiques, où des acteurs – déjà relativement âgés par rapport aux personnages qu’ils incarnent – doivent jouer, plusieurs années plus tard, ces mêmes personnages qui n’ont a priori pas vieilli, alors que le temps a manifestement fait son oeuvre sur les acteurs. On pense notamment à Lucas Black qui joue Sean dans Fast & Furious: Tokyo Drift, que l’on retrouve à la fin de Fast & Furious 7. [↩]
- Le quart de mile (environ 400 mètres) ou dragstrip, est l’unité de mesure des courses de type dragster dont s’inspirent les courses de rue. Sur cette distance, en ligne droite, deux véhicules s’affrontent. Celui qui franchit la ligne d’arrivée en premier a bien évidemment gagné. [↩]
- A n’en pas douter, les épisodes les plus récents subiront le même mauvais vieillissement dans quelques années ! [↩]
- Dans Fast & Furious: Tokyo Drift, des spectateurs suivent une course en live depuis leurs téléphones portables. En 2006. Avant l’arrivée de services de streaming fiables. [↩]