Si l’on résume : marche (jogging) > skate > scooter > moto (x2) > voiture > bolide > ??? > marche !
Quelques commentaires rapides, tant ce clip rebondit à merveille sur de nombreux points évoqués ici.
Alors que cette succession aurait pu laisser croire à un éloge des modes motorisés, la fin du clip pointe du doigt la vanité du culte de la vitesse ; en filigrane, il rappelle que tout individu « motorisé » reste aussi et surtout un piéton, au final… Pas forcément très subtil, mais rafraîchissant dans un univers rapologique prompt à se laisser séduire par le chant des sirènes automobiles…
On regrettera juste que le vélo soit complètement absent du clip (malgré sa présence relative dans la culture hip-hop), témoignant sûrement de son absence générale dans l’imaginaire collectif des mobilités… Mais c’est quand même un comble pour un clip réalisé par une boîte baptisée « La petite reine » ! ;-)
On remarquera aussi, sur cette image, comment Orelsan détourne avec intelligence l’imaginaire de l’homme « augmenté » – loin des clichés techno-gadgeto-kitchs que l’on a l’habitude de voir dans les clips prétendument futuristes.
Un simple smartphone scotché sur le bras (c’est donc du DIY ?), il n’en faut pas plus pour attester la concrétude de l’homme-cyborg – grâce à quoi il jongle entre les modes. La fin d’un imaginaire exhibitionniste de la mobilité augmentée ?
Enfin, et c’est peut-être le détail qui me marque le plus, la fin du clip exprime avec une simplicité confondante tous les liens qui unissent marketing automobile et jeux vidéo. Je ne vais pas m’étaler sur le sujet, je l’ai déjà bien trop fait ici et surtout là, mais pour résumer :
Remballez vos faire-parts : le jeu vidéo pourrait bien sauver le mythe automobile. Si l’automobile veut éviter l’euthanasie que notre occident urbain lui prépare depuis quelques années maintenant, elle doit se mettre au diapason des générations Y (80 – mi 90) et surtout Z (mi 90 – 2000), futures cibles de choix pour des constructeurs en crise.
Et quel meilleur moyen, pour vendre sa came aux bébés des TIC, que de s’inspirer de leurs référentiels pop-culturels, en particulier des jeux vidéo ?
Alors que les constructeurs auto peinent à s’approprier ces nouveaux codes (en pariant encore une fois sur les imaginaires exhibo du jeu vidéo, à l’image de Car Hero), Orelsan n’a besoin que d’une manette PlayStation pour se projeter dans la voiture du futur… Do It Yourself, on vous dit !
Ajoutez à cela des codes visuels issus du gaming (barres de scoring, nombres de tours, etc), et vous avez sous les yeux la parfaite interface d’une auto marketée pour les futurs vingtenaires…
Des codes qu’il applique d’ailleurs au jogging en début de clip, témoignant d’un « basculement de l’imaginaire de la performance et de la vitesse, habituellement associé à la voiture, au profit du piéton », comme l’expliquait déjà Transit-City (voire aussi ici par Matthias).
En résumé : un clip aux multiples niveaux de lectures, qui regorge de bonnes idées malgré sa relative simplicité (bien plus créatif à mon goût que celui de Suicide Social, par exemple). Et si l’imaginaire des mobilités développé dans ce clip est à l’image de sa génération, je suis plutôt très rassuré quant à l’avenir ! Bon visionnage… et bonne écoute si c’est votre came.1
- Dernier point : tourner un clip de rap en milieu rural (et sans qu’il ne s’agisse de rap ruraliste !) est – peut-être – révélateur d’un certain basculement du paradigme des cultures dites « urbaines »… Mais là, je m’avance un peu ! [↩]