L’anime Nagi No Asukara – diffusé initialement entre septembre 2013 et juin 2014 – revient sur un imaginaire que l’on ne connaît que trop bien : celui de la ville sous-marine. Ici, la cité submergée ne représente ni le trésor enfoui que des chasseurs d’or chercheraient à piller, ni le patrimoine déchu (puis retrouvé) d’une famille ancienne et légendaire. Shioshishio, « le village sous l’océan » incarne une petite agglomération paisible, héritière de temps immémoriaux.
Autrefois, les hommes vivaient sous les flots en toute prospérité, jusqu’à ce qu’une partie d’entre eux décide de conquérir l’espace recouvrant la surface de la Terre. Considérés comme des pécheurs impardonnables par le peuple resté vivre en deçà des mers, la rivalité archaïque installée entre les deux peuplades perdura jusqu’à l’époque contemporaine.
Les enfants du fond des mers – contraints d’étudier dans une école de la surface dès le premier épisode de la série parce que la leur a mystérieusement fermé – ont pour obligation de se présenter à leurs nouveaux camarades. Moqueries et remarques xénophobes sont ainsi au rendez-vous lors de cette première confrontation.
L’une des particularités de la population sub-aquatique réside dans le fait qu’ils possèdent « un placenta », à savoir une peau brillante adaptée à la vie sous-marine. Un temps trop long passé à la surface asséchera cette enveloppe singulière, mettant dès lors en danger ces êtres jusqu’à ce qu’ils soient de nouveau immergés dans une eau suffisamment salée.
Aperçu des rapports de pouvoir entre la surface et les profondeurs
Le topo scénaristique posé, passons à l’esthétique urbaine imaginé par les créateurs de la série. Le village sous l’océan apparaît comme une petite cité assez proche visuellement (et urbanistiquement) des bourgades typiques que l’on trouvera dans le monde insulaire grec. Maisons arrondies recouvertes de chaux, touches de bleu méditerranéen par-ci par-là… L’inspiration des Cyclades est évidente dans le design de ce petit patelin englouti.
On ne saurait trancher si la référence plus ou moins évidente au mythe de l’Atlantide – dont la première occurrence avérée dans un texte est née à Athènes, du vivant de Platon – en est l’influence officielle, ou si le résultat escompté visait simplement le décor du petit village de pêcheur traditionnel. La pop-culture japonaise est généralement friande de cet imaginaire, que l’on pense à l’île de l’Aurore dans Zelda, The Wind Waker ou au hameau d’Arni dans le jeu vidéo Chrono Cross.
Toutefois, il est rare de voir cette ville grecque traditionnelle transparaître dans ces bourgades habitées par de modestes pêcheurs. Plus généralement, les habitations sont faites de bois et de branchages, les pieds dans l’eau ou non. La ville submergée de Nagi No Asukara semble ainsi mélanger d’autres imaginaires comme celui de la ville mythique et antédiluvienne. Si Laputa (Le Château dans le ciel) ou Zeal (Chrono Cross) n’ont rien du petit village de marins, les édifices courbes en pierres blanches construits sur flanc de montagnes sont bel et bien la norme !
C’est donc un bel hommage à plusieurs imaginaires urbains que le village sous l’océan met en scène dans cet anime. Plusieurs archétypes se chevauchent, de la représentation de la ville engloutie en général au hameau de pêcheurs, en passant par l’illustre cité disparue (habituellement volante).
L’ambiance sociale y est cela dit plutôt proche du bourg discret et chaleureux, où demeure une population pieuse et conviviale. A la surface, peu de différences, si ce n’est que l’on reconnaît mieux l’allure de la vie citadine japonaise en milieu rural et méridional. Tandis que, sous l’eau, on y marche, court, saute ou nage – propulsé par la pression sous-marine -, le monde terrestre ressemble au nôtre avec ses voitures et ses transports sur rail.
Ses commerces de proximité ressemblent par exemple comme deux gouttes d’eau aux petites épiceries de quartier des rues japonaises les plus pittoresques. Et c’est d’ailleurs au beau milieu de ce décor que l’une des scènes les plus inspirantes de l’épisode pilote (le seul à notre actif pour l’instant) prend place. Voyez par vous même :
Cette séquence raconte tout simplement l’acte de vandalisme opéré par deux mains enfantines à l’intention d’une commerçante venue des flots pour ouvrir son enseigne à l’air libre. Pour manifester leur haine (prémâchée) envers le peuple aquatique, deux fillettes entreprennent alors une calligraphie murale… faite de morceaux de chewin-gum. Au delà du fait que cette scénette nous rappelle de réels échantillons urbains (la Bubblegum Alley en Californie, ou bien le Gum Wall de Seattle), elle nous a particulièrement interpellé pour son adorable effort créatif.
Je suis et relance du comic Low qui se passe dans des dômes sous marins qui sont en train de crever, littéralement, de l’impossibilité de continuer à recycler l’air à l’infini.