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Posé dans le bendo : éloge du « chill » à la cité

Parmi les imaginaires qui nourissent notre veille au quotidien, les urbanités mises en scène dans les clips de rap figurent en tête de liste de nos inspirations (voir ici, ou encore ). Véritables leçons de réappropriation des espaces publics, ces mini-films sont bien souvent tournés à même la rue, au quartier ou ailleurs. Plan après plan, ils orchestrent les réalités d'un certain mode de vie périurbain, ou bien réalisent des fantasmes de reconquête.

Ci-dessous, on vous a sélectionné quelques clips de rap français où on s'ambiance dehors, en bas du bloc, sur les escaliers de la cité ou n'importe où sur le rain-té. Parfois, il suffit de pas grand chose pour apaiser les carences d'un espace public en manque de mobiliers dédiés au chill...

Le 12 décembre 2017 - Par qui vous parle de , dans , parmi lesquels , , , , , , , , , , , , , , , ,

Puisque les images parlent d’elles-mêmes, on vous laisse admirer cette petite collection d’urbanités piochées au gré de nos balades musicales sur Youtube… (Y’a pas de mal à se faire plaisir en faisant de la veille !) Entre réalités et fantasmes, les clips de rap nous offrent tout un tas d’imaginaires stimulants de la pause et des convivialités périurbaines.

Chez Hornet la Frappe, on reste assez modeste avec quelques chaises, voire du mobilier urbain détourné (1/ « Igo » ; 2/ « Je pense à toi« )

Chicha et jeux : les deux mamelles de l’enjaillement en toute simpli-cité (1/ Aynine, « CAZAL« , 2017 ; 2/ 4 Keus Gang – Remix #ToutLeMondeS’EnFout, 2017 ; 3/ Kaaris ft Sofiane, Kalash Criminel, « Bling Bling« , 2017)

Scridge et DJ Anouar ramènent le carré VIP directement en bas de chez toi pour une atmosphère boîte de nuit en plein jour (« Dans ta ville« , 2017)

RDV sur le terrain de basket, c’est plateau de fuits de mer et champagne pour tout le monde (Sadek « La Vache« , 2017)

De la poubelle retournée au canapé en cuir recouvert de D.U.C. Whisky, il n’y a qu’un pas. Que l’on y mette les moyens ou juste un peu d’ingéniosité, il y a donc mille manières de passer un moment convivial et confort à la tess…

« A 10 sur un grec, assis sur un canapé »

A l’instar du somptueux clip de la Mafia K’1 Fry « Pour ceux » sorti en 2003, le tournage d’un clip à la cité est bien souvent l’occasion de réunir tous les jeunes et petits du quartier en bas des bâtiments. Ces scénographies mettent alors en évidence, et valorisent, l’existence d’une partie de la population française, isolée – géographiquement, socialement, médiatiquement etc. – dans des zones d’habitation périphériques et dés-urbanisées.

Si les cités HLM d’Île-de-France et d’ailleurs incarnent donc depuis toujours l’un des décors classiques (et évidents) des clips de rap français, les artistes des années 2010 redoublent de créativité pour mettre en scène le partage de moments « posés » au quartier. Une partie des convivialités s’y déroulent dehors, et ceci témoigne autant d’un besoin de se réunir que de l’absence de structures d’accompagnement et d’hébergement de ces pratiques collectives.

L’imaginaire des clips de rap français a-t-il été influencé par la cultissime série américaine « The Wire » (2002) ?

De fait, la série « Atlanta » (2016) rend clairement hommage au chef d’oeuvre de David Simon, illustré précédemment.

« Complètement dopé, posé sur un canapé » scandait le rappeur MOSSDA en 2011

Alors qu’avec « Pour ceux » la Mafia K’1 Fry (dirigé par l’équipe de Kourtrajmé) montrait une foule énergique dans une ambiance bordelique et bruyante, les clips que l’on a choisi aujourd’hui déploient une représentation à la fois proche et très éloignée des convivialités de la cité. De nos jours, on a en quelques sortes quitté le caractère exceptionnel de ce clip à l’ancienne où l’on voulait « tout dire d’un coup » pour une multitude de vidéos qui dépeignent encore et toujours un mode de vie en marge des aires urbaines bien pavées et bien desservies. La petite différence, c’est qu’au-delà des rotations bruyantes en YZ, on affiche le fait que l’on sait aussi « se poser » en bas des tours.

« Posé dans ma jungle everyday »

L’ennui routinier au quartier (là où « il n’y a rien à faire », si ce n’est attendre les clients de certains commerces illicites) est donc de plus en plus présenté comme un moment de distraction, de partage entre potes. Quelques extraits de chansons pour l’illustrer :

« J’aime bien quand j’suis calé » – L’Algérino

« Posé j’suis sous Jack dans mon bendo » – Niska

« On est là posés à la place
Chapeau de paille, pétard à la bouche » – Jul

« Tous les dandys oubliés
On est là bien calé » – Booba (en vrai non : c’est Daniel Balavoine mdrrr)

Idée de slogan en faveur de la réappropriation des rues : « 100 000 canapés sont abandonnés chaque année en France, ça ne vous choque pas ? »

Attention, ces parties de plaisir théâtralisées n’effacent en rien la galère quotidienne de cette jeunesse isolée. On y voit peut-être simplement un glissement de pratiques, décomplexé par l’usage des réseaux sociaux tels que Vine, Snapchat ou Instagram, qui accompagnent le quotidien de toute une génération. Ces mises en scène (à travers de courtes vidéos, et autres stories), sont l’avatar de réalités tout autant que des supports d’amusement et de storytelling qui se partagent parfois à très grande échelle.

Bref, que le phénomène soit lié ou non à la domination culturelle des MILLENIALS, nous sommes ravis de voir représentées toutes ces micro-réappropriations de l’espace public. Au nom du chill, les rues et places se voient ainsi reconquises, pour un résultat souvent très inspiré… et inspirant. N’est-ce pas les urbanistes ?

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