Lorsqu’il y a plus d’un an, les premières images du jeu vidéo Assassin’s Creed Unity se sont fait jour, je l’avoue, mon coeur a bondi. Un jeu vidéo – qui plus est, issu d’une franchise dont j’ai globalement apprécié les précédents opus -, allait enfin prendre pour cadre le Paris de la Révolution française ! Certes, je nourris une gentille obsession pour cette période clé de l’Histoire de France, dont le potentiel romanesque n’est par ailleurs pas à démontrer. Autant vous dire que j’ai peu hésité à me lancer – manette en main et bonnet phrygien sur la tête – sur les toits de la capitale.
Evacuons rapidement ce qui ne nous intéresse pas spécialement ici : à plusieurs points de vue, le jeu n’est pas une grande réussite. Je me lasse d’un gameplay qui peine à se renouveler d’épisode en épisode ; le scénario n’est pas génial et occulte en grande partie la dimension politique de la Révolution1 ; des erreurs historiques un peu agaçantes émaillent le jeu.2
Pour autant, Assassin’s Creed Unity conserve une grande qualité : sa reconstitution très réaliste de Paris au XVIIIème siècle. Tant du point de vue du bâti (quasiment à l’échelle 1:1) que de la vie des rues, des interactions entre habitants, etc. Au point qu’après une cinquantaine d’heures de jeu, j’ai l’impression de mieux connaître une ville que j’arpente pourtant depuis une vingtaine d’années. Et pour cause : c’est un tout autre Paris, pré-haussmannien, que j’ai (re)découvert. Je vais tenter d’en dégager les grands traits à travers une collection de cartes postales ramenées d’un passé virtuel.
Emporté par la foule
Ce qui frappe très vite, en se promenant dans les rues du Paris d’Assassin’s Creed Unity, c’est la foule que l’on y croise. A la fin du XVIIIème siècle, avec quelque six cent mille habitants, la capitale française était la deuxième ville la plus peuplée du monde occidental (derrière Londres). Et ça se ressent sur son pavé : il y a du monde, beaucoup de monde, à peu près partout. Là où l’effet de foule est le plus saisissant, c’est du côté des places : sur le parvis de Notre-Dame ou devant le Palais de Justice pour manifester, place de Grève ou de la Révolution pour assister aux exécutions ou au Champ de Mars pour la fête de l’Être-Suprême. Le dossier de presse du jeu se touche :
“Grâce à la nouvelle version du moteur Anvil, Assassin’s Creed Unity est capable d’afficher jusqu’à cinq mille personnages non-joueurs à l’écran. Au-delà de la puissance visuelle hors norme de ces scènes, c’est aussi une véritable démonstration technique puisque ce sont des milliers d’intelligences artificielles qui sont gérées par le moteur en simultané.”
Pardon, pardon, pardon…
C’est aussi un bouillonnement dans chaque rue, une agitation dans la moindre venelle, une réunion dans n’importe quelle cour : il semble qu’aucun recoin de la ville n’échappe à la présence humaine. Au point que notre pourtant dense Paris de 2015 passe pour une ville aérée. Résultat : dans la capitale de 1789, on se retrouve rapidement à bousculer des passants et… à préférer crapahuter sur les toits de la ville lors de courses-poursuites, ce qui tombe bien puisque la pratique du parkour est un des marqueurs de la série des Assassin’s Creed.
C’est dans la rue que ça se passe
Mais qu’est-ce que tous ces Parisiens font dehors ? A vrai dire, tout ! Car pour le commun des habitants de la capitale, la vie domestique n’existe pas. Comment le pourrait-elle dans des garnis surpeuplés et à la promiscuité insupportable ? C’est donc dans la rue que se passe l’essentiel du temps social, comme l’explique Arlette Farge dans son ouvrage référence Vivre dans la rue à Paris au XVIIIème siècle :
« La rue parisienne à la fin de l’Ancien Régime est un espace que l’on ne choisit pas, un espace que l’on occupe pour la seule raison qu’on n’en possède guère d’autre, un espace pour vivre. »
« Il n’y a pas d’autre place que les lieux publics pour protéger ses secrets. Les maisons précaires ou insalubres sont elles-mêmes trop ouvertes sur le dehors, elles ne préservent guère, cachent à peine ce qui se vit à l’intérieur. L’intimité est une notion trop neuve : seules les classes bourgeoises commencent à en jouir. Ainsi se dessine un espace où il n’existe pas de rupture réelle entre le dehors et le dedans. Pas plus qu’il n’existe de séparation nette entre travail et recherche, loisirs, vie affective ou badinage. »
Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir…
La porosité entre “le dehors” et “le dedans” que décrit Arlette Farge est particulièrement bien rendue dans le jeu. On passe de la rue à un intérieur parfois sans se rendre compte : comme il y a du monde partout, on peine à distinguer une ruelle, un passage et l’entrée d’un commerce. Au rez-de-chaussée des quartiers populaires, on entre et on ressort des bâtiments de la façon la plus naturelle du monde. Les intérieurs sont la continuité de la rue, la rue est la continuité des intérieurs.Et le moteur du jeu contribue grandement à donner cette impression, ce que vante d’ailleurs son dossier de presse :
“La puissance des consoles nouvelle génération permet à Assassin’s Creed Unity d’offrir un monde ouvert crédible qui va au-delà de simples décors de cinéma. Les maisons ouvrent maintenant leurs portes et sans temps de chargement. Les joueurs pourront explorer librement de nombreuses tavernes, hôtels particuliers, boutiques, et bien plus encore. En grimpant sur les façades des bâtiments, le joueur pourra même découvrir de la vie à travers les fenêtres fermées.”
Les embarras de Paris
Conséquence de cette interpénétration des espaces dans une ville dépourvue de tout zonage : c’est le bordel complet ! Dans la rue, on trouve aussi des marchandises, des outils, des carrioles, des matériaux… Tout ce qui aurait sa place à l’atelier se déverse sur la chaussée. Et pour cause, comme l’explicite Arlette Farge :
« Même le travail a la rue pour témoin ou comme compagne. L’atelier déborde sur le trottoir, la boutique communique sur la rue, l’arrière-boutique sur la cour, les petits métiers se logent en chaque encoignure de maison ou autour des fontaines, dans le creux des chevets d’église. »
En se promenant dans le Paris de 1789, il n’est pas rare de tomber nez-à-nez sur des rémouleurs, des maréchaux-ferrands, des porteurs d’eau, des vendeurs des quatre saisons, etc. En se déroulant principalement dans la rue, l’activité économique ne manque pas d’y semer nombre d’embûches. Au point que bien avant Le tour de Gaule d’Astérix, “les embarras de Paris” s’imposent comme un thème iconographique et littéraire au tournant du XVIIIème siècle. Comme, par exemple, dans les gravures de François et Nicolas Guérard.
Les cris et l’écrit de Paris
A l’encombrement de la chaussée fait écho le débordement sonore des rues parisiennes. Avant le train, avant l’automobile, avant les camions-poubelles qui passent à 6h du matin et l’interdiction de la cigarette dans les bars qui rejette sur le pavé les fêtards, Paris était une ville BRUYANTE. Pour s’en rendre compte, pas besoin de jouer à Assassin’s Creed : une équipe de l’université Lyon-2 s’est attelée à recréer les sons de la capitale au XVIIIème siècle. Fermez les yeux (la modélisation de la ville est moyennement convaincante) et laissez vos oreilles vous porter dans le passé. Dans le jeu vidéo, le tumulte auditif vient surtout des cris tonitruants des vendeurs à la sauvette. “QUI N’A PAS SA COCARDE ?” s’époumone une marchande. “DEMANDEZ LA GAZETTE, LA GAZETTE DE PARIS !” lui répond un crieur de rue. La bataille sonore ne semble jamais s’arrêter. Là encore, on retrouve trace de ce tohu-bohu dans les gravures d’époque :
Si la Révolution française marque un essor considérable de la presse écrite (plus d’un millier de titres seront créés), l’expression orale reste le principal média des rues de Paris, notamment parce que la majorité de sa population est analphabète. Pour autant, l’écrit s’est épanoui sur un autre support : les murs. La capitale n’a pas attendu cette trompette de Jack Le Black pour voir ses façades recouvertes de graffitis. Et une “Mort à l’Autrichienne”, ça claque autrement plus qu’un “Même les méchants rêvent d’amour”. J’ai aussi été frappé par le nombre d’affiches présentes sur les murs de Paris (évidemment lié au contexte politique bouillonnant de l’époque), dont on fait des lectures de groupe. Enfin, ma réappropriation urbaine préférée dans le Paris de la Révolution française, c’est celle qui consiste à coiffer les statues saintes ou de tyrans de bonnets phrygiens3.
Et au milieu coulent des rivières
Autre trait marquant de l’urbanisme parisien de l’époque qu’Assassin’s Creed rend assez sensible : l’organisation de la vie, notamment économique, autour des cours d’eau. La Seine, bien-sûr, mais aussi la Bièvre. Cette rivière aujourd’hui enterrée, dont le souvenir hante les 5e et 13e arrondissements de Paris, coulait à l’époque à ciel ouvert. Ses rives méphitiques accueillaient le labeur soutenu (et polluant) des tanneurs et des lessiveuses. Un bouillonnement très bien rendu dans le jeu où le quartier de la Bièvre, populaire et mal famé, semble déborder d’activités.
Je lui ai mis la Bièvre, pendant des heures
Même impression de ruche aux abords de la Seine. Les quais débordent de monde : manouvriers en train de décharger des marchandises, prostituées guettant le client, gardes faisant leur ronde, vendeurs ambulants, etc. Un foisonnement qui ne doit rien au hasard, comme l’indique Arlette Farge :
« Paris au XVIIIe siècle est un grand port et sur les chantiers d’embarquement et de débarquement s’embauchent pour un temps tous ceux qui n’ont pu trouver ailleurs de quoi travailler. […] Tout peut arriver sur ces rives dangereuses où se croisent tant de gagne-deniers et d’ouvriers, et où s’installent à la sauvette quantité de petits trafics désordonnés. »
Depuis une vingtaine d’années, on redécouvre les cours d’eau dans toute la région parisienne. Les berges de la Marne, de la Seine, du canal de l’Ourcq sont réaménagées pour faire émerger des parcs urbains (et des programmes de logement “pieds dans l’eau”), les collectivités locales multiplient les événements liés à l’élément aquatique (Paris Plages, l’Eté du Canal, le Festival de l’Oh!…) et sur certains tronçons, on est même en train de faire ressurgir la Bièvre des sous-sols… Douce ironie que ce récent retour aux berges alors qu’il y a deux cents ans, elles étaient le coeur battant de la capitale.
Farmville
Au rayon “retour vers le futur”, on pourrait aussi classer l’engouement récent pour l’agriculture urbaine. Une idée qui était une réalité dans le Paris de la Révolution française. Dans Assassin’s Creed Unity, il n’est pas rare de croiser des animaux de la ferme, comme des poules ou des chèvres. Et dans de nombreuses arrières-cours, on fait pousser des légumes potagers. Paris fait alors encore vivre une agriculture de petite échelle, vivrière, destinée à subvenir aux besoins de la famille, à peine à faire du commerce.
Cette agriculture s’épanouit surtout sur la rive gauche de la Seine à mesure qu’on s’éloigne du noyau ancien. C’est là que la ville est la moins dense, comme l’explique Eric Hazan dans son Invention de Paris :
“A l’apogée de l’Ancien Régime, alors que la rive droite éclate dans le bornage officiel, que tous les vides se comblent, que les maisons se surélèvent, que les constructions débordent les limites autorisées, la rive gauche est comme endormie dans ses collèges, ses couvents et ses jardins et ne parvient même pas à remplir l’espace qui lui est réglementairement attribué.”
L’environnement est propice à l’exploitation de petites parcelles voire à l’élevage. Sur le Mont Parnasse, qui n’était encore qu’un modeste tas de gravats herbeux et non une turgescence monolithique et amiantée, j’ai ainsi croisé un chevrier avec son petit troupeau !
L’Arcadie en plein Paris
Un regret de taille, tout-de-même, pour clore ce chapitre “faune et flore” : où sont les chevaux ? Alors que tous les contemporains soulignent l’omniprésence des équidés dans les rues de Paris, la plupart du temps pour tirer carrioles et carrosses, ils sont les grands absents d’Assassin’s Creed Unity. Il n’y a qu’une seule mission où l’on doit suivre, en bondissant de toit en toit, des voitures tirées par des chevaux. Le reste du temps, les véhicules sont à l’arrêt et sans canassons. C’est un vrai manque.
Paris, ville-taule
Parmi les choses qui m’ont le plus marqué dans le Paris proposé par Ubisoft, il y a la reconstitution de bâtiments aujourd’hui disparus. Non pas qu’il s’agisse d’un tour de force exceptionnel d’un point de vue historique (la fin du XVIIIème siècle dans la capitale est une période bien documentée, notamment pour ce qui est de l’architecture), mais pour l’impression durable que ces monuments-revenants laissent à l’esprit. Plusieurs semaines après avoir commencé à jouer à Assassin’s Creed Unity, je suis passé par l’île de la Cité à Paris. En prenant le pont au Change pour regagner la rive droite de la Seine, je me suis surpris à me figurer mentalement la silhouette du Châtelet… Une forteresse disparue au début du XIXème siècle mais qui m’est devenue familière à force de jouer. Son fantôme fait à présent partie de mon Paris.
Une dédicace à tous mes frères en zonz’ au Châtelet
Un constat s’impose rapidement en devant ces bâtiments disparus : les constructions les plus monumentales du Paris de l’époque étaient… des prisons. Le Châtelet, le Temple et, bien-sûr, la Bastille apparaissent comme les édifices les plus hauts du Paris de 1789 (avec Notre-Dame, seule survivante de l’époque). Autant de forteresses reconverties en lieux de détention, que l’on voit à des lieues à la ronde : des bâtiments qui rendent visible, tangible, l’oppression exercée par l’absolutisme. Et qui sont du coup les symboles évidents de ce qu’il faut renverser. “La taule c’est la pression, nourrit l’instinct d’révolution”.
Jalonnée de monumentales prisons, la capitale est également ceinturée par une barrière d’octroi, le fameux “mur murant Paris qui rend Paris murmurant” de Beaumarchais. Le Mur des Fermiers généraux n’est pas vieux quand survient la Révolution (le début de son édification date de 1784) et, pour de nombreux observateurs, il n’est pas étranger à l’éclatement de l’insurrection populaire. D’ailleurs, n’est-ce pas cette barrière qui a été attaquée en de nombreux points la nuit du 12 au 13 juillet 1789 ?
En bonnet rouge face à un portique Ecomouv #onlr
Le souvenir de ce “mur fiscal”, abattu sous Haussmann, demeure aujourd’hui dans la capitale, notamment parce que les lignes 2 et 6 du métro en suivent le tracé exact. Parce que subsistent aussi quelques pavillons d’octroi, dont la Rotonde de la Villette est le plus célèbre4. Mais le fait de voir ce mur se matérialiser dans le jeu est, là encore, une expérience sensorielle bien plus forte. D’autant que dans Assassin’s Creed Unity, le Mur des Fermiers généraux constitue la limite du monde que l’on peut explorer. De quoi renforcer l’impression traduite par cet épigramme de l’époque :
“Pour augmenter son numéraire/Et raccourcir notre horizon/La Ferme a jugé nécessaire/De mettre Paris en prison.”
Vers la ville-caserne
Dernier grand étonnement d’“urbanisme ressenti” : la présence de nombreux boulevards dans la capitale dès le XVIIIème siècle. Béotien en la matière, j’avais une vision assez binaire de l’évolution de la forme urbaine de Paris à travers les siècles. Grosso-modo, je me représentais une ville aux traits essentiellement médiévaux (rues étroites, tortueuses, à l’organisation chaotique) jusqu’à ce que le baron Haussmann vienne y tracer, à grands coups de sabre, de larges boulevards à partir du milieu du XIXème siècle. Or voilà que je me retrouve à arpenter de larges allées arborées… en 1789. Stupéfaction.
De fait, ce qu’on appelle les Grand Boulevards existaient déjà sous la Révolution5. Et le jeu ne manque pas d’évoquer le bourgeonnement de théâtres qu’a connu le boulevard du Temple dans les années qui ont précédé la période révolutionnaire. L’avenue la plus célèbre de Paris, les Champs-Elysées, existait déjà elle aussi. On la découvre dans la physionomie qu’elle avait à l’époque : encore peu bâtie, plus proche du parc urbain que de l’artère que l’on connaît. Aujourd’hui, on parlerait de coulée verte et on se dit, retrospectivement, que les Champs constituent une belle occasion manquée d’offrir à Paris un poumon en son coeur (vous suivez?), équivalent de Hyde Park à Londres ou de Central Park à New York.
Les Champs-Elysées (deuxième quart du XVIIIème siècle), par Charles Grevenbroeck
Au-delà de la question des boulevards, c’est tout un mouvement d’urbanisme sécuritaire et hygiéniste, “d’assainissement de la ville”, qui se met en branle dès le mitan du XVIIIème siècle. Arlette Farge, très affirmative sur le sujet :
« Insensiblement, le contrôle de l’espace urbain se transforme. Au lieu de répondre ponctuellement aux menaces, il faut aménager l’espace de telle façon qu’il ne puisse plus sécréter ni nourrir le désordre. Il faut traquer l’espace, le connaître, le mettre en plans et en cartes, relever le nom des rues, éclairer les ruelles. C’est l’œuvre entreprise par le second XVIIIe siècle. »
Dans le jeu vidéo, quelques indices viennent évoquer ce grand coup de balai à l’oeuvre. Ce sont notamment les catacombes que l’on aménage (et qui tiennent une part importante dans l’intrigue d’Assassin’s Creed Unity) pour recevoir les dépouilles du cimetière des Innocents, que l’on a commencé à vider en 1785. Un an plus tard, en 1786, c’est la démolition des maisons du pont Notre-Dame qui débute. Dans les deux cas, ce sont des considérations de salubrité et de sûreté publiques qui ont prévalu.
Cette haussmannisation avant l’heure ne se fait pas sans heurts. A ce titre, l’exemple de la nomenclature des rues6 est éloquent. Arlette Farge, toujours :
« Les graveurs de noms de rue ont été obligés de travailler la nuit, tant ils étaient assaillis de quolibets, de coups et de menaces de séditions lorsqu’ils opéraient de jour. Le peuple comprenait bien tout ce qu’il perdait : son espace totalement déchiffré par les autorités n’allait plus être qu’un espace mort ou se fondre devenait presque impossible. Les mêmes réactions violentes ont accompagné toutes les tentatives d’éclairage des rues. Une rue éclairée est une rue surveillée et personne ne s’y trompe. »
Ces évolutions préparent la mise en caserne de Paris qui connaîtra son apogée sous le Second Empire. Tout est déjà en germe près d’un siècle plus tôt. Et ce sont ces transformations urbaines entamées dès avant la Révolution qui permettent de comprendre l’Histoire politique agitée de la capitale dans les décennies qui ont suivi. Le mot de la conclusion pour Arlette Farge :
« La spéculation sur les terrains et la hausse continuelle des loyers après 1850 repoussent toujours plus loin les classes populaires, qui devront même s’exiler dans les faubourgs, derrière les barrières, hors de la ville. Cet exil est durement ressenti : reprendre Paris est d’avantage qu’un thème populaire favori, c’est une volonté révolutionnaire qui s’exprimera aussi bien en 1848 qu’en 1871. Si l’histoire de Paris au XIXe siècle est en partie celle de sa réduction à l’ordre et à l’hygiène, elle est tout autant celle de sa volonté à faire de la rue l’espace d’une résistance et l’enjeu d’une liberté. Semblable en celà à l’Ancien Régime avec une différence significative : pour tenir cet enjeu il faut désormais descendre dans la rue ; au XVIIIe siècle ce n’était même pas la peine puisqu’on y vivait ».
- Jean-Luc Mélenchon n’a pas tort quand il parle d’une vision biaisée : j’ai l’impression d’avoir passé mon temps à protéger des nobles et des prêtres face à des révolutionnaires assoiffés de sang [↩]
- des drapeaux tricolores dans les rues de Versailles au moment des Etats généraux ou une mission censée se passer en 1789 mais invitant à récupérer la tête d’Olympe de Gouges, guillotinée en… 1793 [↩]
- à l’instar du cône de Lübeck coiffant le Duc de Wellington à Glasgow ? [↩]
- mon préféré : celui de Bercy car il accueille aujourd’hui fort ironiquement le ministère de l’Economie, dont la silhouette rappelle d’ailleurs une barrière d’octroi [↩]
- ils ont été aménagés à partir de 1670 sur le tracé de l’ancien mur d’enceinte édifié sous Charles V [↩]
- au passage, Ubisoft se plante d’un demi-siècle en faisant figurer les noms de rues sur les célèbres panneaux émaillés bleu et vert [↩]
Aucun commentaire.