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Ecrans. Ravalement de façades.

Le 10 février 2010 - Par qui vous parle de , ,

Les architectes serviront-ils encore à quelque chose dans la ville numérique ? C’est ce que l’on pourrait conclure en lisant – évidemment à contre-sens – cette brillante analyse, professée par le critique d’architecture Christopher Hawthorne dans le LA Times. Synthèse commentée.

Pour la faire courte (et ne pas citer la moitié du texte), Christopher Hawthorne se penche sur la profusion des écrans dans la ville – les écrans digitaux traditionnels, évidemment, mais aussi et surtout les mobiles et smartphones en explosion – qui « transforment chaque coin de rue en Timesquare ». Selon lui, ces écrans « créent un vortex capable d’absorber toute notre attention, rendant le design d’un bâti invisible voire hors de propos ».

Pour lui, les architectes peuvent se positionner dans la continuité de cet environnement digitalisé, à l’image de la Gateway Art Tower de l’architecte Eric Owen Moss, sur les façades de laquelle peuvent être projetées des animations artistiques. On retrouve la même idée dans les productions collaboratives jouant avec les lumières des façades (Pixels et gratte-ciel. L’ambiancement du quotidien).

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A l’inverse, les architectes peuvent vouloir proposer une architecture plus contemplative, offrant aux citadins « un refuge face au vacarme digital de la ville« . Mais quelque soit l’orientation qui sera choisie, les architectes ne pourront rien contre les nouveaux usages de la ville permis par le mobile tels que la réalité augmentée (j’en ai déjà parlé : « un fantasme de vieux con ? »).

L’analyse est pertinente mais sent un peu le réchauffé, non ? Il faut attendre la fin pour croquer le meilleur ; je vous la laisse en version originale.

« As screens begin to cover more buildings, the city will become capable of effortlessly updating its architectural content. In the most extreme scenario, a sort of Marshall McLuhan-meets-« Blade Runner » fever dream, the skyline may begin, like television, to broadcast a continuous, all-encompassing present. Every building will be a contemporary building, carrying an up-to-date visual message… »

A quoi ressemblerait cette « architecture en streaming » ? L’exemple du N Building, de l’agence tokyoïte Terada design, exprime de manière caricaturale cette perspective d’une « architecture bavarde » : la façade est un QR code géant ; filmez ce code-barre 2D avec votre mobile et vous pourrez visionner les promos du magasin ou les tweets géolocalisés des chalands.

Christopher Hawthorne conclut sur une prophétie peu réjouissante :

« … which means that no building will be a historical building. Digital screens seem likely over time to render the architectural past fainter and fainter — and maybe even lead the city to forget itself. »

Quels sont horizons urbanistiques et architecturaux qui se dessinent derrière cette idée ? Peut-être ceux d’une architecture atonale et effacée voire absente – qui ne se passerait pas pour autant des architectes, est-il besoin de le rappeler ? -, dont les façades ne seraient que les supports vierges d’un contenu sans cesse réactualisé. A l’image de cette oeuvre en trompe-l’oeil partagée par mon ami Nico :

De mon côté, je suis émerveillé par cette vision de la ville streaming. En fond, les imaginaire du flux, du temps réel et surtout du liquide se dévoilent pour repenser l’architecture et l’urbanité. On aura le temps d’y revenir…!

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[EDIT du 10 septembre 2010] Pour aller plus loin : Nicolas Ruiz Gonzalez, Thomas Perez et moi-même avons récemment décidé de partager cette vision de l’architecture « en streaming » lors d’un concours étudiant pour l’éditeur Nemetschek.

Notre projet, intitulé « KUBIKOPEDIA », lauréat de la mention spéciale, est à considérer comme un « manifeste » en faveur d’une architecture épousant – et portant – les ambitions humanistes des nouvelles technologies (ici, la réalité augmentée). Il est à découvrir ici : KUBIKOPEDIA : quelle architecture pour le « Siècle des Lumières numériques » ?

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