3 décembre 2011
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L'observatoireArticles

L’écologie contre la ville haute : un divorce de raison ?

Le 3 décembre 2011 - Par qui vous parle de , , , ,

La ville écologique passe-t-elle nécessairement par une lutte féroce contre ses propres excès verticaux ? La question semble éternelle, tant on l’entend à toutes les sauces, du conseil de quartier au débat présidentiel. Les tours ne pourraient décemment pas rimer avec l’ambition d’une ville durable, du moins dans l’inconscient collectif (voire ici). Nouveau témoignage de ce statu quo, dans un édito consternant publié hier dans Le Point, où un Patrick Besson des grands soirs se fait la voix (accentuée) d’une Eva Joly présidente par défaut. Passons sur l’humour franchouillard de l’ensemble, pour nous attarder sur la première initiative de la candidate telle qu’imaginée par Besson :

tesdruction immétiate te doudes les dours te la Téfense et te la borde d’Italie avin de rédablir en fille une archidédure à focazion humaine

Il est cocasse – mais pas anodin – de constater que Patrick Besson s’attaque à cette dimension urbanistique en premier. Peu importe qu’Eva Joly et les Verts le pensent ou non ; ce qui compte ici, c’est la caricature. A travers la plume rance de Patrick Besson, ressortent tous les clichés d’une urbanité écologique qui ne peut souffrir la ville haute. Patrick Besson alimente ainsi (bien volontairement ?) l’inconscient collectif en laissant penser au lecteur qu’il n’existe qu’un choix binaire : d’un côté, la ville haute, de l’autre la ville vivable ; d’un côté, Metropolis et de l’autre le pays de Candy (on pourrait faire la même avec le nucléaire…). Ce qui est évidemment très discutable.

Outre les nombreux exemples de tours dites « vertes« , que l’on ne commentera pas ici tant elles respirent parfois la naïveté (ou au contraire les fantasmes apocalyptiques, consciemment ou non), de nombreux architectes et urbanistes s’intéressent à la manière dont on peut concilier hauteurs et urbanités ludiques (voire ici). Sans chercher à tout prix mettre du gazon partout (le greenwashing architectural est au moins aussi consternant que cet éditorial), il s’agit simplement de rappeler que les hauteurs sont source de créativité pour quelques explorateurs des temps modernes (le parkour en est le meilleur témoin, et je m’étonne encore qu’il n’ait pas eu la même influence sur la ville que le skateboard en son temps) ; ce faisant, il s’agira de démontrer qu’il y a là matière à réinventer la façon dont nous pourrions nous (ré)approprier la ville haute. D’autres exemples viendront plus tard actualiser ce billet, mais une chose est sûre : ce n’est pas en clivant l’imaginaire de la ville de manière si binaire qu’on la rendra plus vivable. Monsieur Besson, la prochaine fois : tais-toi.

11 commentaires

  • Au niveau écologique, d’ailleurs, s’opposer aux tours est totalement discutable, car cela permet de lutter contre l’étalement. Après, comme Philippe le souligne bien, le débat sur la verticalité et l’horizontalité est un faux débat. Tout dépend de la manière dont on organise cet étalement (en hauteur ou en longueur), et la manière dont on connnecte les différents espaces, et dont les citadins se réapproprient la ville. Il y a des villes étalées absolument pas écolos (Los Angeles) au sens strict du terme.

    De plus, au delà de l’écologie, il faut prendre en compte l’aspect social de ces espaces urbains (les cités des banlieues françaises et les townships d’Afrique australe ont une physionomie très différente, mais socialement cela revient à peu près au même), et surtout leurs aspects fonctionnels et leur organisation politique. Pour faire une « ville durable » (ou plus généralement pour aboutir à une ville selon un modèle défini), il faut aller au delà des simples considérations morphologiques et penser en termes d’acteurs, à travers ceux qui font la ville (citoyens, autorités politiques, acteurs privés, etc.).

  • On oublie aussi trop souvent la filiation entre les gratte-ciels et la tour de Babel, dont le projet architectural était d’être suffisamment haute en son sommet pour ne pas avoir à craindre la colère de dieu en cas de nouveau déluge.

    En terme de projet urbain, ne pas avoir à craindre dieu, on peut dire que c’est faire preuve d’ambition (et que ça a de la gueule) ! Et dans la perspective du réchauffement climatique et de l’élévation du niveau des mers, nos tours contemporaines n’auront-elles pas les mêmes vertus que celle de Babel en son temps ?

    Sage anticipation en tous cas de la part de ceux qui ne veulent pas de la ville durable… qui sont en tout cas des gens cohérents vis-à-vis des risques qu’ils prennent.

  • On y est pas encore à l’architecture qui allierait hauteur et humanité quand je vois ce genre de projets sur lequel tout le monde a l’air de se branler.

    http://www.urbanews.fr/2011/12/09/17926-des-tours-jumelles-futuristes-pour-la-ville-de-seoul/

    • Tellement d’accord… surtout que le tripotage de nouilles sur des tours versions « on-s’inpire-des-LEGO-c’est-trop-gueudin-lol » (dixit Maas himself, si j’ai bien tout compris), c’est #old depuis 2008… http://transit-city.blogspot.com/2008/09/quand-lego-permet-de-penser-autrement.html

    • Ton exemple me fait penser à ce projet d’architecte pour Marseille. C’est pas avec ça qu’on va réconcilier la population avec les tours (si tant est qu’elle ait à être réconciliées avec elles) :

      http://www.sa13.org/LA-TOUR-PRADO

      Quant au Parkour, je n’ai pas l’impression que ce soit très reconnu en France comme activité sportive (hors des productions Europa Corp), contrairement au skate qui nécessite des aménagements spéciaux. Quand nous aurons une série à succès de jeu vidéo sur le Parkour (qui a dit Mirror’s Edge ?), peut-être que cela commencera à changer.

      • Haha, « le way of life marseillais », au moins on sait se marrer dans le 13000 !

        Trêve de plaisanteries, et pour paraphraser Pierrot : plus je vois ces tours et plus j’aime l’URSS… Mine de rien, il y avait dans l’architecture soviétique un certain sens de la simplicité, voire d’humilité, plus apte à s’inscrire dans l’imaginaire des citadins. En tous cas, c’est ce que je me dis en comparant ce type de projets avec ce que j’ai vu en Bulgarie… Voilà pour mon avis.

        Quant au parkour, on est effectivement loin du succès du skate, et j’ai sincèrement du mal à me l’expliquer. Mais on peut quand même ajouter à la liste l’excellente série Misfits (http://pop-up-urbain.com/decors-1-misfits-las-beton/) et quelques super-héros de comics… ainsi que des jeux tels qu’inFamous, qui s’appuient sur des mouvements hérités du parkour. OK, c’est maigre, mais c’est déjà ça ! Je suis persuadé qu’un Tony Hawk version parkour va très bientôt débarquer sur nos consoles, tant la discipline semble maintenant mature et suffisamment bien inscrite dans les imaginaires.

        • Je crois que le problème du Parkour, c’est surtout sa plus difficile prise en main que le skate et que ça nécessite un environnement très particulier pour être mis en pratique.

  • Salut,

    Cet article m’a interpellé notamment par rapport à la photo qui l’illustre.
    J’ai vécu dans une ZUP et c’est vrai qu’il fut un temps où en étant gosse, on squattait les toits des petits bâtiments non dédié à l’habitat intégrés dans le quartier. En effet, on en avait marre de se faire engueuler par les adultes qui flippaient pour leur bagnole, du coup, on investissait ces lieux inutilisés pour jouer au foot ou au tennis.
    C’est vrai que d’un point de vue sécurité, rien n’avait été anticipé mais si j’en crois mon expérience, les policiers n’étaient que très peu sensible au concept de ville haute.

    Sinon, j’aime toujours vos discussions d’experts (je n’en suis pas un) mais j’ai parfois l’impression qu’on ne se met pas à la place de ceux qui vivent vraiment dans les tours. Je parle principalement d’habitat social où la cohabitation est une notion complexe et où on a envie de vomir quand aucune réhabilitation n’a été réalisée depuis 30 ans. Difficile d’aimer les tours dont l’entretien coûte très cher. Je n’ai rien contre la verticalité mais j’en ai plus contre ce que l’on en fait.
    Quant à la Tour du Prado, ça me fait penser au concept d’idea store (http://fr.wikipedia.org/wiki/Idea_Store), ça me semble intéressant en tant que citoyen. Mais pour du logement, je ne sais pas.

    • Hello,

      Merci pour ta contribution, déjà, rien ne vaut la parole d’un usager (et certains experts feraient parfois bien de s’en rappeler…)

      Effectivement, n’ayant jamais vécu dans une véritable « tour » (je n’ai connu que des immeubles parisiens, certes récents mais très bien entretenus), j’ai sûrement une vision un peu idéalisée de la tour, et c’est toujours une bonne chose que de se faire rappeler la réalité. Je partage évidemment ton avis sur le manque d’entretien et de rénovation…

      Je rebondirai juste sur ton premier paragraphe et la réappropriation des toits. Ce qui me chiffonne beaucoup, outre les questions de renouvellement du bâti, ce sont les logiques sécuritaires qui investissent aujourd’hui l’architecture de ces ZUP, avec le concept de « prévention situationnelle », qui consiste en gros à fabriquer la ville de manière à faciliter le travail de la police… Ce qui passe notamment par des toits inclinés pour éviter les rassemblements de jeunes susceptibles de jeter des projectiles.

      Autrement dit, plus de terrain de foot, et démerdez-vous en bas avec vos terrains pourris si vous voulez jouer. J’en ai beaucoup parlé ici, si ça t’intéresse :
      http://pop-up-urbain.com/urban-after-all-s01e03-violences-urbaines-lurbanite-sacrifiee/

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